Napoléon


L'homme.


Habitudes et manies de Napoléon
LE FIGARO du 27 novembre 1999 spécialement dédié à Napoléon, Jean-Louis Turenne, auteur du reportage: "Bonaparte, cet illustre inconnu"

Napoléon mangeait peu et vite: les repas étaient expédiés en un quart d’heure. Au-delà, il appelait ça la « corruption du pouvoir », Ses nourritures préférées ; potage, poulet, haricots secs, lentilles, pâtes avec du parmesan. Le tout arrosé d’une demi-bouteille de chambertin coupé d’eau. Il buvait quelquefois un peu de champagne, utilisé comme tonique. À la fin des repas, après avoir saucé les plats, il s’essuyait les mains avec la nappe.

Il dormait sur commande. Couché vers 22 heures, il se réveillait souvent vers minuit pour travailler, prendre un bain chaud et se recoucher vers 3 heures. Selon la saison, il se levait à 6 ou à 7 heures, procédait à ses ablutions pendant qu’on lui lisait le journal, avalait une tasse de café noir, et commençait sa journée en dictant son courrier.

Il ne fumait pas mais prisait abondamment : pour la seule année 1808, on lui fit apporter 42 kilos de tabac !

Outre le fait de glisser la main dans son gilet, il avait d’autres «manies », taillader son fauteuil avec un canif, ou s’appuyer sur le bras de son interlocuteur en marchant.

En campagne il voyageait le plus souvent dans la berline impériale, aménagée pour travailler, avec tiroirs et compartiments. Si un livre lui déplaisait pendant le trajet, il le jetait par la fenêtre. L’escorte de la berline était composée de 24 chasseurs. Lorsqu’un besoin urgent le prenait, il faisait un signe de la main et le cortège s’arrêtait. Il descendait de la voiture. Les chasseurs formaient un carré en lui tournant le dos et l’Empereur pouvait se soulager loin des regards indiscrets.

Merci à Diana


Napoléon Bonaparte vu par Marmont.


"Le premier, maigre, sobre, d'une activité prodigieuse, insensible aux privations, comptant pour rien le bien être et les jouissances matérielles, ne s'occupant que du succès de ses entreprises, prévoyant, prudent, excepté dans les moments où la passion l'emportait, sachant donner au hasard, mais lui enlevant tout ce que la prudence permet de prévoir; tenace dans ses résolutions, connaissant les hommes, et le moral qui joue un si grand rôle à la guerre; bon, juste, susceptible d'affection véritable et généreux envers ses ennemis.

Le second, gras et lourd, sensuel et occupé de ses aises, jusqu'à en faire une affaire capitale, insouciant et craignant la fatigue, blasé sur tout, indifférent à tout, ne croyant à la vérité que lorsqu'elle se trouvait d'accord avec ses passions, ses intérêts et ses caprices, d'un orgueil satanique et d'un grand mépris pour les hommes, comptant pour rien les intérêts de l'humanité, négligeant dans la conduite de la guerre les plus simples règles de la prudence, comptant sur la fortune, sur ce qu'il appelait son "étoile", c'est à dire sur une protection toute divine. Sa sensibilité s'était émoussée, sans le rendre méchant; mais sa bonté n'était plus active, elle était toute passive. Son esprit était toujours le même, le plus vaste, le plus étendu, le plus profond, le plus productif qui fût jamais; mais plus de volonté, plus de résolution, et une mobilité qui ressemblait à de la faiblesse.

Le Napoléon que j'ai peint d'abord a brillé jusqu'à Tilsitt: c'est l'apogée de sa grandeur et l'époque de son plus grand éclat. L'autre lui a succédé, et le complément des aberrations de son orgueil a été la conséquence de son mariage avec Marie-Louise (1)."

(1) cf. Mémoires du Maréchal Marmont, t. VI, 274

Cet extrait appartient à l'ouvrage écrit
par le Docteur Cabanès
Dans l'intimité de l'EMPEREUR
Albin Michel Éditeurs
22, rue Huyghens - Paris 1931

Merci à Diana


Napoléon économe - Mémoires de Mademoiselle Avrillion, première femme de chambre de l'impératrice Joséphine - Mercure de France - p.274


C’était une grande époque dans le palais, et surtout pour les chefs de service, que le moment où l'Empereur s’occupait du budget annuel de sa Maison. Le maréchal Duroc, chargé de toutes les dépenses de la Maison proprement dite, avait établi dans cette administration un ordre vraiment admirable ; le moindre gaspillage était impossible, et tout était payé avec la plus scrupuleuse ponctualité. Le grand écuyer était chargé de la dépense des écuries, et le grand maître de la garde-robe de tout ce qui concernait l’Empereur. Quelque économie que l’on y apportât, Sa Majesté trouvait toujours que la dépense montait trop haut ; et quand elle était parvenue à faire quelque réduction, elle en était enchantée ; elle s’en vantait devant l’Impératrice, lui expliquait quelles sommes il avait pu économiser : sans doute l’Empereur espérait lui faire partager, par voie d’insinuation, ses goûts parcimonieux ; mais il prêchait dans le désert, et l’Impératrice faisait la sourde oreille.


Chaussures à son pied.


Pendant le premier trimestre de l’an XIII, JACQUES, le bottier de Napoléon Bonaparte lui fournit en plus de nombreuses paires de souliers, escarpins, mules et pantoufles, 10 paires de bottes à l’écuyère doublées de molleton et peluche de soie pour la somme de 800 fr.
En 1808 aussi pendant le premier trimestre, à la commande de chaussures en tous genres on trouve également la fourniture de 6 paires de bottes à l’écuyère doublées en peluche de soie dans toute leur hauteur, à 80fr la paire.
Au début de 1810 Jacques livrera encore 6 paires de bottes doublées de peluche de soie, et en juin de la même année de nouveau 6 autres paires. Son chausseur Jacques, nous raconte que l'empereur avait la mauvaise habitude d'attiser le feu des bivouacs avec le bout de ses bottes, serait-ce pour cette raison que Napoléon en faisait une telle consommation?

Juste petit détail, Napoléon ne mettait des bottes que pour monter à cheval et pour ne pas perdre du temps, gardait ses bas de soie blanche et enfilait ses bottes par dessus.
Cependant dans les appartements il portait toujours des bas de soie blanche et des souliers à boucles en or. Dès le Consulat, il avait exigé, qu’aux réunions du soir, on quittât les bottes pour les bas de soie et les souliers à boucle. Probablement dans l'intimité, Napoléon aimait aussi chausser des mules ou des pantoufles de velours rouge ou vert doublées d’agneau.

Rappelons que l’empereur avait la peau et les pieds très sensibles et un valet était spécialement désigné pour briser ses souliers neufs.

Merci à Diana


Les lits de camp.


En septembre 1807, AUBINEAU, pelletier, livre pour l’Empereur deux lits de camps en peau d’ours doublée de coutil rayé et de velours vert, au prix de 940fr. (Arch.na.0235).
Mentionnons de suite une autre commande de ce genre, au retour de l’île d’Elbe. Paris, le 27 avril 1815. Lettre de l’écuyer commandant à M. DESMAZIS, administrateur du mobilier de la couronne :
« M. le grand écuyer, auquel j’ai rendu compte qu’il n’existe que trois lits en peau d’ours pour l’Empereur, à trouvé ce nombre très insuffisant et désire que vous en fassiez confectionner encore quatre. J’ai l’honneur de vous transmettre les intentions de Son Excellence, et je vous prie de vouloir bien donner des ordres pour que ces lits soient prêts le plus tôt possible. » (Arch.na. O267).

DESOUCHES, serrurier du garde-meuble, fournit à l’Empereur, en 1809, deux lits de campagne comme suit. Le premier, en fer poli, à ornements dorés, avec un fond élastique et son étui doublé de drap bleu, 1000fr. ; deux porte-manteaux en cuir et quatre courroies en cuir jaune, de deux mètres, 360fr., deux forts cadenas et leurs clés en fer poli, avec le chiffre N, 90fr.
Un autre lit de campagne du petit modèle, pouvant être transporté à dos de mulet, avec impérial exhaussé portant platine et pomme en cuir doré ; les ornements dorés et son étui doublé de drap, 1,100fr. ; deux porte-manteaux en cuir et quatre courroies, 360fr. Total, 2.910fr.
« Vu, ordonné et approuvé sur le crédit de 8.000fr. ouvert par le budget de 1809, pour supplément et faire face aux dépenses occasionnelles par le séjour de Sa Majesté ; à Erfurt, en 1808. » (Arch.na.0334)

Merci à Diana







Bonaparte scientifique.
Bonaparte, avant de s’embarquer sur la Muiron et de quitter l’Egypte.

Bonaparte prit ainsi la parole : Nous avons du loisir, Monge : passons ce temps à faire de la philosophie, et, pour y fournir matière, je vous raconterai mes pensées de premier âge. Le métier des armes est devenu ma profession ; ce ne fut pas de mon choix, et je m’y trouvai engagé du fait des circonstances. Jeune, je m’étais mis dans l’esprit de devenir un inventeur, un Newton. – Que dîtes-vous, général, répliqua Monge, vous ne connaissez donc pas le mot de Lagrange : nul n’atteindra la gloire de Newton, car il n’y avait qu’un monde à découvrir. – Oh ! Que m’opposez-vous là M. Monge ? L’ami Berthollet, profondeur dans le savoir du jeu des affinités, au sujet des molécules principes, non sans doute, n’est point de votre avis. Qui a fait attention au caractère d’intensité et de tract à très courte distance des actions des particules, dont nous sommes témoin journellement ? Monge, cela est-il trouvé ? Vous, Monge ou votre Newton, l’auriez-vous trouvé ? Or, Voyez : cela ne serait-il pas beau, plus grand, mais surtout plus profitable à la société, qu’une spéculation philosophique ? Newton a résolu le problème du mouvement dans le système planétaire ; c’est magnifique, pour vous autres, gens d’esprit et de mathématiques ; mais que moi, j’eusse appris aux hommes comment s’opère le mouvement qui se communique et se détermine dans les petits corps, j’aurais résolu le problème de la vie dans l’univers. Et cela fait comme je l’ai supposé, j’eusse dépassé Newton de toute la distance qu’il y a entre la matière et l’intelligence. Par conséquent, il n’y a rien d’exact dans votre mot de Lagrange. Le monde des détails reste à chercher. Voilà cet autre monde, et c’est le plus important de tous, que je m’étais flatté de découvrir. D’y penser, j’en suis toujours aux regrets ; d’y penser me fait mal à l’âme.


L'Empereur et le travail administratif.
Claude-François Méneval, Mémoires pour servir à l'histoire de Napoléon Ier, 1844-1845.

Napoléon ne dictait qu'en marchant. Il commençait quelquefois étant assis, mais à la première phrase il se levait. Il se mettait à marcher dans la pièce où il se trouvait, et la parcourait dans sa longueur. Cette promenade durait pendant tout le temps de sa dictée. A mesure qu'il entrait dans son sujet, il éprouvait une espèce de tic qui consistait, dans un mouvement du bras droit, qu'il tordait en tirant avec la main le parement de la manche de son habit. Du reste, son débit n'était pas précipité par ce mouvement ; sa marche était également lente et mesurée.
Les expressions se présentaient sans effort pour rendre sa pensée. Si elles étaient quelquefois incorrectes, ces incorrections mêmes ajoutaient à leur énergie et peignaient toujours merveilleusement à l'esprit ce qu'il voulait dire. Ces imperfections n'étaient cependant pas inhérentes à sa manière d'écrire ; elles échappaient plutôt à la chaleur de l'improvisation.
Elles étaient rares et ne subsistaient que quand la nécessité d'expédier sur-le-champ la dépêche ne permettait pas de les faire disparaître dans la copie. Dans ses discours au Sénat ou au Corps législatif, dans ses proclamations, dans ses lettres aux souverains, dans les notes diplomatiques, le style était soigné et approprié au sujet.
Napoléon écrivait rarement lui-même. Écrire était pour lui une fatigue ; sa main ne pouvait suivre la rapidité de sa conception. Il ne prenait la plume que quand, par hasard, il se trouvait seul, et qu'il avait besoin de confier au papier le premier jet d'une idée ; mais après quelques lignes, il s'arrêtait et jetait la plume. Il sortait alors pour faire appeler son secrétaire, ou le général Duroc, selon la spécialité du travail dont il s'occupait.
Son écriture était un assemblage de caractères sans liaison et indéchiffrables. La moitié des lettres manquaient aux mots. Il ne pouvait se relire, ou il ne voulait pas en prendre la peine.
L'orthographe de son écriture était incorrecte, quoiqu'il sût bien en reprendre les fautes dans l'écriture des autres. C'était une négligence passée en habitude ; il ne voulait pas que l'attention qu'il aurait donnée à l'orthographe pût brouiller ou rompre le fil de ses idées.
Dans les chiffres, dont l'exactitude est absolue et positive, Napoléon commettait aussi des erreurs. Il aurait pu résoudre les problèmes de mathématiques les plus compliqués, et il a fait rarement une addition juste.
Il est vrai de dire que ces erreurs n'étaient pas toujours commises sans dessein. Par exemple, dans le calcul du nombre d'hommes qui devait composer ses bataillons, ses régiments ou ses divisions, il enflait toujours le résumé total, car il jugeait nécessaire de donner le change sur la force de ces corps. Quelque représentation qu'on lui fît, il repoussait l'évidence et persistait opiniâtrement dans son erreur volontaire de calcul.
Ses billets étaient en général exempts de fautes d'orthographe, excepté dans les mots où ces fautes se représentaient invariablement. Il écrivait par exemple, cabinet, Caffarelli, gabinet, Gaffarelli, afin que, enfin que, infanterie, enfanterie.
Les premiers mots sont évidemment des réminiscences de sa langue maternelle, les seules qui lui soient restées de sa première enfance ; les autres, enfin que, enfanterie, n'ont pas d'analogie avec la langue italienne. Il parlait mal cette langue, et évitait les occasions de la parler. Il ne s'y résignait qu'avec des Italiens qui ne parlaient pas le français.
Son langage était un français italianisé, avec des terminaisons en i, en o, en a.

Merci à Joker


L'écriture de Napoléon.


L'écriture de Napoléon est assez spéciale, c'est le moins que l'on puisse dire. Il était coutumier du fait, et parfois lui même n'arrivait pas à se relire.

Pour l'anecdote, les deux impératrices avaient le "privilège" de ne recevoir que des lettres manuscrites de leur impérial époux ; l'impératrice Joséphine qui ne déchiffrait pas mieux l'écriture de Napoléon que les autres, répondait toujours que l'Empereur se portait bien lorsqu'on lui demandait des nouvelles de Napoléon à la réception de ses lettres.

Dans le même genre, les minutes des lettres qu'il dictait à ses secrétaires (Bourrienne, Mèneval et Fain) ne sont pas toujours très lisibles non plus. Ceci était surtout dû au fait que Napoléon dictait très rapidement et qu'il était hors de question de lui demander de répéter ce qu'il venait de dire. Parfois, le secrétaire était obligé de laisser un blanc à la place du mot qu'il n'avait pas compris et complétait la lettre lors de la recopie avant la signature par l'Empereur de la lettre définitive. Du coup, le secrétaire se devait d'être aussi bien informé des affaires de l'Empire que l'Empereur lui-même.

La même difficulté existait au niveau des expressions ou des lieux. Par exemple, il confondait l'Elbe et l'Ebre et pourtant ce n'est tout à fait au même endroit en Europe. Pour ce qui est de l'orthographe et des tournures de phrases, c'est encore pire, il avait une conception très personnelle de la langue française.

Voici un exemple de son écriture:


"Je compte passer le Rhin le 5 vendémiaire ; je ne m'arrêterai pas que je ne sois sur l'Inn et plus loin. Je me confie à votre bravoure, à vos talents. Gagnez-moi des victoires. Napoléon"

Il s'agit d'une lettre de septembre/octobre 1805 adressée au maréchal MASSENA.

Merci à Thinap.



Thibaudeau
"Un jour, il envoya à la section de législation un projet de loi écrit de sa main. Tous les membres de la section firent de vains efforts pour le lire. Berlier fut chargé d'aller naïvement lui en faire l'aveu. En reprenant son écrit et en le déchirant après avoir y jeté un coup d'oeil, le Premier Consul lui dit "Croyez-vous que je sache le lire moi-même ?"

Méneval
"Il ne pouvait se relire ou il ne voulait pas en prendre la peine. Si une explication lui était demandée il reprenait son brouillon qu'il déchirait ou jetait au feu, et dictait sur nouveaux frais"

Las Cases
Un jour mon fils lui lisant un des chapitres de la Campagne d'Italie s'arrête tout court, cherchant à se déchiffrer. "Comment, le petit âne, dit l'Empereur, ne peut pas relire son écriture ? -Sire, c'est que ce n'est pas la mienne. -Et de qui donc ? -Celle de Votre Majesté. -Comment, petit drôle, prétendez-vous m'insultez ?" Et l'Empereur, prenant le cahier, fut fort longtemps à chercher ; et puis le jeta en disant : "Il a ma foi raison, je ne saurais dire ce qu'il y a."

Fain
"Le désordre était tel qu'il avait lui-même la plus grande peine à se relire"

Merci à Cyril Drouet.



Exemples de signatures.

Merci à Fortune et à Jiem.


La bibliothèque de campagne
Extrait de : Les fournisseurs de Napoléon 1er et des Impératrices


La bibliothèque de campagne mérite quelques détails : Une lettre de M. de Méneval à M. Barbier, bibliothécaire de l’empereur, va nous faire connaître les genres de livres dont Napoléon aimait à s’entourer.

Bayonne 17 juillet 1808. – « L’empereur désire se former une bibliothèque portative d’un millier de volumes, petit.in 12, imprimés en beaux caractères. L’intention de Sa Majesté est de faire imprimer ces ouvrages pour son usage particulier sans marges, pour ne point perdre de place. Les volumes seront de cinq à six cents pages, reliés à dos brisé et détaché et avec la couverture la plus mince possible. Cette bibliothèque serait composée d’à peu près quarante volumes de religion, quarante des épiques, quarante de théâtre, soixante de poésie, cent de romans, soixante d’histoire. Le surplus, pour arriver à mille, serait rempli par des mémoires historiques de tous les temps.

« Les ouvrages de religion seraient l’Ancien et le Nouveau Testament, en prenant les meilleures traductions, quelques épîtres et autres ouvrage les plus importants des Pères de l’Église ; le Coran ; de la mythologie ; quelques dissertations choisies sur les différentes sectes qui ont le plus influé dans l’histoire, telles que celles des Ariens, des Calvinistes, des Réformés, etc. ; une histoire de l’Eglise, si elle peut être comprise dans le nombre des volumes prescrits.

« Les épiques seraient Homère, Lucain, le Tasse, Télémaque, la Henriade, etc.

« Les tragédies ; ne mettre de Corneille que ce qui est resté, ôter de Racine les Frères ennemis, l’Alexandre et les Plaideurs ; ne mettre de Crébillon que Rhadamiste, Atrée et Thyeste ; de Voltaire, que ce qui est resté.

« L’histoire ; mettre quelques-uns des bons ouvrages de chronologie, les principaux originaux anciens, ce qui peut faire connaître en détail l’histoire de France. On peut mettre comme histoire, les discours de Machiavel sur Tite Live, l’Esprit des Lois, la Grandeur des Romains, ce qu’il est convenable de garder de l’histoire de Voltaire.

« Les romans : la Nouvelle Héloïse et les Confessions de Rousseau. On ne parle pas des chefs d’œuvres de Fielding, de Richardson, de Lesage, etc., qui trouvent naturellement leur place ; les contes de Voltaire.

« NOTA. – Il ne faut pas mettre de Rousseau ni l’Emile, ni une foule de lettres, mémoires, discours et dissertations inutiles ; même observation pour Voltaire.

« L’empereur désire avoir un catalogue raisonné avec des notes qui fassent connaître l’élite des ouvrages et un mémoire sur ce que ces mille volumes coûteraient de frais d’impression, de reliure. Ce que chaque volume pourrait contenir des ouvrages de chaque auteur ; de quelles dimensions et quel espace cela occuperait ?...

Merci à Diana.



Illustration de Napoléon Intime de Arthur Lévy



L'Empereur et le tabac
J-F Agathon FAIN, Mémoires, publiés en 1908.

C'est à tort qu'on lui a reproché l'usage immodéré du café et du tabac. Il prenait du café comme tout le monde. Il ne faisait que respirer son tabac ; mais il changeait de tabatière à chaque instant. Dès qu'il avait flairé, il renversait la tabatière et la rendait à l'un de nous en lui disant : "Allez me chercher du tabac."
C'était un de nos dérangement habituels. Nous trouvions sur la commode de sa chambre à coucher une file de tabatières préparées d'avance pour suffire aux renouvellements de la journée. Dans les appartements, cette commission était la plus fréquente qu'il donnât à ses chambellans. Pendant le Conseil, j'ai vu plus d'un ministre la rechercher comme une faveur.

Merci à Joker



Encyclopédie par l'image, Histoire de Napoléon - Librairie Hachette - 1924
Merci à Madame Leclercq
(Cliquez pour voir en grand)



L'Empereur et sa santé (bains, digestion, repos, dépense physique)
J-F Agathon FAIN, Mémoires, publiés en 1908.

Le reproche qu'on a fait à Napoléon d'abuser des bains est plus fondé ; il en prenait trop et les prenait trop chauds. Il est probable qu'il a dû à cette mauvaise habitude l'embonpoint prématuré dont ses peintres d'histoire ne lui ont guère fait grâce. On ne peut, du moins, l'imputer à la bonne chère, car, certes, celui-là n'était pas ami de la table ! Il était sobre, il vivait frugalement et mangeait vite, trop vite pour tout son monde. Au surplus, la nature l'avait doué d'un avantage assez singulier, celui de ne pouvoir commettre d'excès de table, quand même il l'aurait voulu : "Si je dépassais le moins du monde mon "tirant d'eau", disait-il, mon estomac rendrait aussitôt le superflu."
Quand il se promenait dans les allées de son jardin, il aimait à marcher un peu courbé, les mains dans ses poches, ou bien en se dandinant, les mains derrière le dos. Il avait un autre tic d'habitude que M. Bourrienne a très bien remarqué : c'était, en parlant ou en dictant, un mouvement involontaire de l'épaule droite qu'il relevait en même temps qu'il lui échappait un léger pincement de la bouche, de gauche à droite. Cela se répétait surtout quand il se laissait fortement préoccuper.
Il dormait quand il voulait et comme il voulait. Quelque besoin qu'il eût de sommeil, trois ou quatre heures pouvaient suffire. Je le voyais se relever sans aucun effort au premier réveil de la nuit, se mettre au travail ; ensuite se recoucher et se rendormir promptement. Dans l'été, il aimait à faire la méridienne. Habituellement il dormait à peu près sept heures sur vingt-quatre ; mais c'était toujours en plusieurs sommes, s'interrompant à volonté la nuit comme le jour. Pendant l'évacuation de Leipzig, il a pu dormir tranquillement deux heures dans un fauteuil : l'explosion du pont vint le réveiller.
S'il était depuis trop longtemps en repos, il s'imposait quelque rude exercice ; si au contraire il se trouvait à bout d'une trop grande fatigue, il se condamnait à vingt-quatre heures d'un repos forcé. Il appelait cela "rétablir l'équilibre".
Il s'était fait infatigable, non seulement à cheval, mais aussi à pied ; il marchait quelquefois cinq à six heures de suite sans s'en apercevoir. Revenant d'Espagne au mois de janvier 1809, je l'ai vu faire à franc étrier en moins d'une matinée la course de Valladolid à Burgos (vingt-trois lieues).
On a déjà cité quelque part sa promenade de Vienne au Semmering. La distance est de dix-huit à vingt lieues. Il la parcourut à cheval dans la matinée, déjeuna au Semmering et revint aussitôt.
Il faisait souvent des chasses de trente-six lieues.
Dans les plus rudes journées de la retraite de Moscou, il quittait volontiers sa voiture, et prenant un bâton à la main, marchait avec les grenadiers de la Garde.

Merci à Joker


L'Empereur et la nourriture.

Caulaincourt, grand écuyer, dans ses mémoires:
L’Empereur mangeait vite et avalait avec une telle vivacité qu’on pouvait croire qu’il mâchait peu ou même pas du tout. On a débité beaucoup de contes sur sa manière de vivre. La vérité est qu’il ne faisait que deux repas. Il préférait à tout le bœuf ou le mouton, les fèves, les lentilles ou les pommes de terre, le plus souvent en salade. Il était rare qu’il bût une bouteille de vin dans la journée. Il préférait le Chambertin. Après son déjeuner et son dîner, il prenait une tasse de café à l’eau. Toute sa recherche était là. Il l’aimait assez fort, depuis ses campagnes d’Egypte. Il préférait le moka.



La nourriture impériale:

"Les mets les plus simples étaient ceux qu'il préférait : les lentilles, les haricots blancs, les verts qu'il aimait beaucoup, mais qu'il craignait de manger par la crainte d'y trouver des fils qui, disait-il, lui faisaient l'effet de cheveux, et dont la seule pensée lui soulevait le coeur ; la pomme de terre arrangée de toutes les façons lui plaisait beaucoup, même cuite à l'eau ou sous la cendre."
(Marchand, Mémoires)

"Les mets les plus simples, tels que les oeufs au miroir, les haricots en salade, presque jamais de ragoûts, un peu de fromage de parmesan, arrosés de chambertin étendu d'eau, étaient ceux qu'il aimait le mieux.
[...]
Le plat que l'Empereur aimait le plus était cette espèce de fricassée de poulet à laquelle cette préférence du vainqueur de l'Italie fit donner le nom de poulet à la Marengo. Il mangeait volontiers des haricots, des côtelettes, une poitrine de mouton grillé, un poulet rôti. Les mets les plus simples étaient ceux qu'il aimait le mieux ; mais il était difficile sur la qualité du pain."
(Constant, Mémoires)

"Il mangeait presque tous les matins du poulet accommodé à l'huile et aux oignons, ragoût modeste que l'on nommait, je crois, poulet à la provençale, et qui, depuis, a perpétué sur les cartes de nos restaurateurs le souvenir d'une bataille fameuse, sous le nom plus ambitieux de poulet Marengo."
(Bourrienne, Mémoires)


Les boissons :

Bien évidemment le Chambertin (mais pas que cela) :

"Il faisait usage de chambertin à son ordinaire, qu'il trempait fortement d'eau ; jamais ou bien rarement, il faisait usage de vins extra ou de liqueurs."
(Marchand, Mémoires)

"Son vin ordinaire était le Chambertin."
(Fain, Mémoires)

"La boisson à Sainte-Hélène était du clairet ; en France, elle avait été du Chambertin. Il buvait rarement sa demi-bouteille, et toujours mettant autant d'eau que de vin. Presque jamais de vins fins. Quelquefois, dans la journée, il buvait un verre de vin de Champagne, mais jamais sans y joindre pour le moins autant d'eau : c'était une limonade."
(Ali, Souvenirs)

Napoléon prenait, en outre, une tasse de thé ou fleurs d'oranger au lever, et une tasse de café après son déjeuner et son dîner. D'après Caulaincourt (Mémoires), il l'aimait assez fort (souvenirs d'Egypte) et préférait le moka.
D'après Bourrienne (Mémoires), au coeur de nuit, le café laissait place au chocolat.


La rapidité du repas:

« Douze minutes était le temps consacré à Paris, pour le dîner, que l’on servait à six heures. Napoléon se levait de table et laissait l’impératrice avec les autres convives continuer le repas à leur guise. Son déjeuner, qu’il prenait seul à neuf heures et demie, ne durait pas plus de huit minutes. »
(Constant, Mémoires)

"Napoléon mangeait vite.
[...]
Le dîner de l'Empereur ne durait pas plus de quinze à vingt minutes."
(Fain, Mémoires)

« Bonaparte n’est guère plus d’un quart d’heure à table quand il dîne avec un peu de monde. Il n’est pas plus d’une demi-heure à la plus grande table.
[…]
Quelques temps après sa nomination au Consulat, on lui représenta que ses dîners étaient trop brefs ; il allongea de quelques minutes. Je lui dis à ce sujet « Général, vous êtes devenu moins expéditif à table. » Il me répondit : « C’est déjà la corruption du pouvoir. »
(Roederer, Mémoires)

« Il était rarement à table plus de dix à douze minutes, à moins que la conversation lui plût. Il lui arrivait souvent de se lever de table et de laisser des convives affamés qui avaient à peine eu le temps de déplier leurs serviettes. Dans le commencement, on se levait avec lui sans avoir dîné, et il n’invitait pas à continuer le dîner ; mais quelques temps après, il fut convenu qu’on ne le suivrait point. »
(Chaptal, Mes souvenirs sur Napoléon)

"Souvent le déjeuner de Napoléon ne durait pas huit minutes.
Mais lorsqu'il éprouvait le besoin de "fermer son cabinet", comme il le disait quelquefois en souriant, le déjeuner durait assez longtemps.
[...]
Le dîner durait ordinairement quinze à vingt minutes."
(Bausset, Mémoires)

Constant (Mémoires) s’est fait l’écho des problèmes de santé liés à sa manière de manger :
« L’habitude de manger précipitamment causait parfois à Sa Majesté de violents maux d’estomac qui se terminaient presque toujours par des vomissements. »


Merci à Cyril Drouet



Napoléon musicien.

La petite histoire - Napoléon, croquis de l'épopée - G.Lenotre - p132 - 133

Napoléon aimait écouter des concerts - du moins y assistait-il souvent.
Il chantait également. Faux et fort, paraît-il. Un jour même, il voulut se faire musicien.
"C'était au cours d'une soirée intime, et Duport, l'illustre violoncelliste, jouait un solo. L'empereur parut tout à coup dans le salon, botté et éperonné; il écouta avec plaisir, et dès que le morceau fut terminé, il s'approcha de l'artiste, le complimenta, et lui prenant la basse des mains avec sa vivacité habituelle, il lui demanda: « Comment, diable, tenez-vous cet instrument? » Et s'asseyant, il serra le malheureux violoncelle entre ses bottes éperonnées. L'infortuné musicien, que la surprise et le respect avaient rendu muet pendant un instant, ne put cependant maîtriser sa terreur lorsqu'il vit sa précieuse basse traitée comme un cheval de bataille. Il s'élança en avant, en proférant d'un accent si pathétique le mot « Sire! » que l'instrument lui fut immédiatement rendu. Duport put alors, sans le laisser sortir de ses mains, montrer à l'empereur comment il fallait s'y prendre. Il faut croire que quel que soit le génie de l'élève, le violoncelle ne s'apprend pas en une seule leçon, car Napoléon ne devint pas exécutant. "


Napoléon et le théâtre.



Encyclopédie par l'image, Histoire de Napoléon - Librairie Hachette - 1924
Merci à Madame Leclercq
(Cliquez pour voir en grand et lire le texte)


Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) P,198 - Johann Friedrich Reichardt - Tallandier – 2003
Les préférences du Premier Consul sont acquises à Rome; elles se décèlent par son goût exclusif pour les pièces romaines de Corneille, et parmi celles-ci, pour « Cinna ». En général, il paraît rarement au théâtre; il vient toutefois de faire infraction à ses habitudes en faveur de Mlle George, jouant dans Tancrède.


La « naïveté » de Napoléon.
Voici l'avis de René Maury sur la question: (l'assassin de Napoléon ou le mystère de Sainte-Hélène p 39)

L'un des traits les plus constants de la psychologie de Napoléon reste sa naïveté. Elle procède d'un excès de confiance en soi et aussi de sa dépendance à l'égard du jugement des autres, qui constitue en propre l'une des constantes dans la personnalité de la plupart des hommes politiques et notamment des personnages historiques. (....)
Comment n'aurait-il pas été naïf en faisant confiance au tsar Alexandre après Tilsitt? De croire que la Maison d'Autriche conserverait à l'égard de la France une bienveillante neutralité simplement parce qu'après avoir vaincu l'Empereur François Ier - François II (titre unique en son genre), le vainqueur d'Austerlitz lui imposerait d'épouser sa fille Marie-Louise? Le comble de la naïveté n'est-il pas atteint quand Napoléon charge Talleyrand de négocier avec Alexandre, alors qu'il est parfaitement évident que celui-ci achètera celui-là, prêt à se vendre sans le moindre scrupule? (...)
Oui, la naïveté de Napoléon est profonde, elle est en quelque sorte la rançon de son orgueil. Il croit que les autres l'admirent avec une telle passion qu'ils ne le trahiront jamais. Il n'imagine jamais qu'ils puissent se servir de lui.



Napoléon blessant sans le vouloir.
Pons de l'Hérault, Napoléon empereur de l'île d'Elbe - p204

L’Empereur avait des défauts, des préjugés, des caprices. Parmi ses défauts, l’Empereur en avait un dont le malencontreux caractère, d’une reproduction fréquente, était toujours blessant et qui, sans nul doute, fut la cause des haines inexorablement acharnées à sa perte : l’Empereur n’était pas colère, même quand il était indigné, mais dans un premier mouvement de vivacité il avait des paroles qui blessaient cruellement, et qui ne cessaient plus d’être saignantes. L’Empereur ignorait souvent qu’il avait blessé, et lorsqu’il était convaincu d’une blessure faite par lui, il cherchait immédiatement à la guérir. Il n’y réussissait pas toujours.


L'ambiance détestable
Dominique de Villepin. La chute ou l'Empire de la solitude, p.166

Les courtisans tremblent de subir une des légendaires colères de l’Empereur : teint blême, œil foudroyant, gestes brusques, cris et insultes.
Pour essayer de comprendre l’ambiance détestable qui règne dans l’entourage impérial, on peut se reporter à la scène saisissante décrite par le général baron Thiébault dans ses vivants Mémoires. Elle se déroule à Compiègne en 1810.
Napoléon, après avoir passé en revue les courtisans prosternés sur son passage, s’arrête soudain. Croisant les bras sur sa poitrine, il fixe le parquet. Un silence de plomb s’établit, long, interminable pour les protagonistes. Soudain, le maréchal Masséna, duc de Rivoli, prince d’Essling, ose rompre le cercle et s’avance à pas lents vers l’Empereur :
« L’étonnement et la curiosité se peignirent sur toutes les figures ; la mienne ne put exprimer que la crainte ; l’attente, au reste, ne fut pas longue ; car à peine quelques mots, dits trop bas pour être entendus, eurent-ils été proférés par le maréchal que, sans lever ou détourner les yeux, sans faire un mouvement, l’Empereur articula d’une voix de tonnerre : « De quoi vous mêlez-vous ? » Et ce vieux maréchal, qui en dépit de sa gloire et de ses dignités, venait d’être humilié en face de l’Europe entière, au lieu de partir de suite et de rentrer chez lui cacher sa honte, regagna sa place sans répliquer et, ce qui acheva de me confondre, la regagna à reculons. Jamais je ne me suis senti plus mortifié, jamais le despote ne m’est apparu dans Napoléon avec plus d’arrogance et d’impudence. »
Pour finir, Napoléon « continua sa scène de statue encore quelques instants ; puis, comme sortant d’un rêve, il leva la tête, décroisa ses bras, jeta un coup d’œil examinateur sur tout ce qui l’entourait, se retourna sans rien dire à personne et rentra dans la salle de jeu. Sur un signe, l’impératrice jeta les cartes et se leva ; toutes les parties cessèrent et tout le monde fut debout. En passant devant Marie-Louise, il lui dit d’un ton assez sec : « Allons, Madame… » et continua à marcher, pendant qu’elle le suivait à trois pas en arrière de lui. »


Le dernier bivouac.
Napoléon au bivouac. Théo Fleischman.

Dans la nuit du 18 au 19 juin, après avoir échappé aux Prussiens à Genappe, tassé sur son cheval, muet et harassé, Napoléon atteint les Quatre-Bras. Le général de Brack se souviendra n'avoir jamais vu, même pendant la campagne de Russie, sur cet auguste visage une expression plus troublée et plus malheureuse. Un officier battant en retraite par le bois découvre la singulière vision : « Nous venions de dépasser les Quatre-Bras, et nous traversions un petit bois à côté de la route, lorsque nous vîmes briller un feu qui s'allumait dans une clairière proche de nous. En avançant de quelques pas, j'aperçois des grenadiers de la garde près de ce feu qu'ils alimentent. Je m'approche encore... mais que vois-je en face de moi? Napoléon, debout, immobile, les bras croisés sur la poitrine regardant vers Waterloo. »
Baudus rejoint l'Empereur. « Je l'engageai à se retirer , car il n'était plus couvert par personne. Quelques larmes s'échappaient de ses yeux. Quelque vive que fût son émotion elle ne le troubla pas au point de lui faire oublier les précautions que réclamait notre affreuse situation, car , se rappelant qu'il m'avait envoyé de Fleurus aux Quatre Bras le 16, il me chargea d'aller dans ce premier endroit prévenir la division Girard, qui avait été laissée pour garder le champ de bataille de se retirer sur-le-champ. "
Napoléon remonte à cheval et reprend la route qui doit le mener vers le douloureux accomplissement de son destin. Les silhouettes des grenadiers s'estompent dans les ténèbres. Et lentement, tandis que le jour paraît, meurent et s'effacent les flammes du dernier bivouac de l'épopée.


Napoléon à l'île d'Elbe.


Parmi les souvenirs et anecdotes relatés par Pons de l’Hérault, voici quelques réflexions de l’auteur concernant Napoléon que vous trouverez dans :

NAPOLÉON, empereur de l'île d'Elbe
souvenirs et Anecdotes de Pons de l'Hérault - Les Éditeurs Libres

…« Aux jours de sa toute-puissance, alors qu’il était le Roi des rois, nul n’était assez haut placé pour pouvoir regarder l’empereur Napoléon en face ; il échappait à toutes les observations. Les louanges avaient cessé d’avoir un caractère de vérité.
Il n’en était pas ainsi à l’île d’Elbe. Le prince qui était venu régner sur ce rocher ne portait point l’auréole d’invulnérabilité qui naguère couronnait l’empereur des Français…Cependant Napoléon n’était pas moins grand à Porto-Ferrajo qu’à Paris. Mais le prestige avait cessé : on doutait de l’immensité de son génie, ou du moins on faisait semblant d’en douter. Ce doute flattait les nains de droit divin qui, dans les illusions de leur orgueil, s’imaginaient pouvoir ainsi se rapprocher du géant populaire, à la taille duquel ils n’avaient jamais eu jusqu’alors la pensée de mesurer leur taille.
…Il n’y a donc rien d’extraordinaire dans la croyance que l’empereur Napoléon n’a jamais été plus complètement et plus parfaitement examiné qu’à l’île d’Elbe. Ce n’est qu’à l’île d’Elbe en effet que l’on a pu étudier et connaître Napoléon. Soldat, il devait prendre et il prenait toutes les formes que son ambition lui imposait ; empereur, il était placé si haut qu’on ne pouvait pas le voir ; à Sainte-Hélène, il posait pour la postérité. Mais à l’île d’Elbe il n’en était pas de même : ce n’était plus Napoléon l’invincible, Napoléon le Roi des rois, Napoléon inabordable ; c’était Napoléon vaincu, Napoléon dépossédé, Napoléon populaire. Ce n’était pas Napoléon prisonnier et torturé comme il fut ensuite à Sainte-Hélène. Il n’avait pas cessé de régner.
Nous n’avons jamais vu un portrait de Napoléon parfaitement ressemblant. Eh bien, on n’avait pas été mieux inspiré dans la peinture de son caractère moral que dans celle de ses traits physiques. »

Merci à Diana


Napoléon à Sainte-Hélène.


L'art de la conversation - sur le Bellerophon.
Description de Maitland, cité par Bordonove dans le voyage vers Sainte-hélène, p102-103.

Il avait des façons affables et très agréables; il prenait part à toutes les conversations, citait nombre d'anecdotes, s'efforçait, de mille manières, d'éveiller la bonne humeur et tolérait même chez les personnes de sa suite une grande familiarité… Il possédait à un degré surprenant la faculté de produire une impression favorable sur ceux avec qui il entrait en relation. II y parvenait, m'a-t-il semblé, en amenant la conversation sur des sujets qu'il supposait bien connus de la personne à qui il s'adressait et sur lesquels il pouvait lui-même briller. Cela le mettait en joie, le rendait content de soi. Après cela, il n'était plus très difficile de faire partager ce sentiment par l'individu qui l'avait provoqué… Il paraissait posséder une grande maîtrise de soi; nul homme n'a subi d'épreuves plus grandes que celles qui lui échurent durant son séjour sur le Bellerophon. Pourtant, jamais, en ma présence, il n'a laissé échapper une parole coléreuse ou mesquine.


Napoléon à sa toilette
par O'Meara, cité par Bordonove dans le voyage vers Sainte-hélène, p 207-208.

J'ai vu Napoléon à sa toilette, écrit O'Meara. Lorsqu'il s'habille, il est aidé par Marchand, Saint-Denis et Noverraz. L'un de ces derniers tient un miroir devant lui et l'autre les ustensiles nécessaires pour faire la barbe, tandis que Marchand attend pour lui tendre ses habits, l'eau de Cologne, etc. Lorsqu'il a fini de raser un côté de sa figure, il demande à Saint-Denis ou à Noverraz : " Est-ce fait?" Sur leur réponse, il commence à raser l'autre côté. Après qu'il a fini, on lui apporte le miroir à la lumière, et il regarde s'il a bien fait disparaître toute sa barbe. S'il aperçoit ou sent qu'il en reste encore, il prend quelque fois l'un d'eux par l'oreille, ou lui donne un léger coup sur la joue, en disant d'un air gai: "Ah? Coquin, pourquoi m'avez-vous dit que c'était fini?" Il se lave ensuite la figure avec de l'eau, dans laquelle on a mêlé un peu d'eau de Cologne: il en répand aussi quelques gouttes sur sa personne. Il se nettoie ensuite très soigneusement les dents, se fait souvent brosser le corps même, avec une brosse à chair; change son linge et son gilet de flanelle et se revêt d'une culotte de casimir blanc ou de nankin foncé, d'un gilet blanc, etc. Quand il a passé son habit, Marchand lui présente une petite bonbonnière, sa tabatière, son mouchoir parfumé d'eau de Cologne, et il quitte la chambre.






Napoléon et l'hygiène dentaire

Napoléon prenait grand soin de ses dents. Les quelques témoins parlant de la mauvaise dentition de l'Empereur furent en fait trompés par le réglisse dont Napoléon faisait grande consommation.

Lors de la toilette, l'Empereur se curait les dents avec un un cure-dents en buis, puis les brossait avec une brosse trempée dans l'opiat et revenait avec du corail fin.
Il se rinçait finalement la bouche avec un mélange d'eau-de-vie et d'eau fraiche.
La bouche n'était pas oubliée et était raclée avec un racloir d'argent, de vermeil ou d'écaille.


© Photographies: La Bricole
Malmaison - exposition "Indispensables nécessaires".



Merci à Cyril Drouet



Au début du dix-neuvième siècle, la brosse à dents a connu une progression rapide en France. La raison n'en est rien de moins que Napoléon Bonaparte était obsédé par l'hygiène bucco-dentaire et Marie-Louise, sa deuxième femme, lui a fait cadeau lors de leur mariage de différents produits et instruments pour les soins de la bouche. Les brosses à dents vont se répandre rapidement en Europe et au Japon.

Merci à Fortune


Betsy et l'épée.
La Petite Fiancée de Napoléon - Souvenirs de Betsy Balcombe présentés par Jean Tulard, Ed. Tallandier

"J'admirais baucoup la beauté de sa main, et lui dis un jour qu'elle ne semblait ni assez large ni assez forte pour tenir une épée.
A ce propos, on en vint à parler de sabres et d'épées ; un de ses officiers tira la sienne du fourreau et montra quelques taches de rouille en disant que c'était du sang anglais ; l'Empereur lui ordonna de rengainer son arme au plus vite, en ajoutant qu'il était inconvenant de se vanter de la sorte, surtout devant des dames.
Napoléon sortit alors d'un magnifique écrin doré la plus belle épée que j'aie jamais vue. Le fourreau était en écailles d'un seul morceau, d'un travail admirable et semé d'abeilles d'or ; la coquille en or massif formait comme une fleur de lis. Je demandai à Napoléon de me permettre de regarder de plus près cette arme merveilleuse. Il me souvint alors d'une taquinerie qu'il m'avait faite le matin, je voulus avoir mon tour. Après avoir tranquillement tiré l'épée du fourreau, je me mis à en agiter la pointe devant la figure de l'Empereur, comme pour le menacer ; il battit en retraite, et je l'acculai dans un angle de la chambre où je le tins en respect, lui répétant d'avoir à faire ses prières, parce que j'allais le tuer. Je faisais un tel bruit que ma soeur accourut et me gronda sévèrement, en ajoutant qu'elle dirait tout à papa ; mais je me moquais de ses menaces et demeurai ferme au poste, n'abandonnant pas mon prisonnier. A la fin mon bras laissa tomber l'arme trop lourde, et mon ennemi en fut quitte pour la peur, si tant est qu'il ait eu peur. Il fallait voir la figure du grand chambellan pendant cette petite scène. Son visage, qui avait naturellement un ton de parchemin était devenu encore plus jaune, si possible. Ses traits exprimaient à la fois un mélange crainte à l'égard de l'Empereur et d'indignation contre moi. Si ses regards furieux avaient pu me réduire en cendres, j'étais perdue ; mais je bravais sa colère. Lorsque je remis en place l'épée, réellement trop lourde pour ma main, Napoléon me pinça le bout de l'oreille : or, on venait de me les percer deux jours avant, je ressentis donc une vive douleur qui me fit pousser un cri ; l'Empereur lâcha prise et se contenta de me tirer le bout du nez : il ne s'était pas départi une minute de sa bonne humeur."

Merci à Léon


Napoléon et l'Histoire.


Toute la vérité, rien que la vérité
NAPOLÉON, La dernière phase, Lord Rosebery - Librairie Hachette et Cie - PARIS, 1902


Il ne faut pas, d’ailleurs, quand on veut apprécier Napoléon, attacher d’importance au peu de respect qu’il a montré quelquefois pour l’exactitude. En ces temps-là, on n’attendait guère, on n’exigeait jamais d’un homme d’État européen, qu’il dît la vérité, et c’est là ce qui fait qu’un demi-siècle plus tard Bismarck ne trouva pas de meilleur moyen pour tromper son monde que la franchise. Les ennemis les plus acharnés de Napoléon, Metternich et Talleyrand, nous ont maintenant donné leurs mémoires, mais nous nous repentirions, en toute circonstance, de leur accorder une confiance aveugle là où leur intérêt personnel est en jeu. Napoléon, à Sainte Hélène, écrivait sa propre apologie ; il s’efforçait de présenter ses actes sous leur jour le plus favorable, comme il faisait dans ses bulletins. Ces fameux bulletins représentaient ce que Napoléon désirait que l’on crût, c’est ce que représentent également ses mémoires. C’est la vie de Napoléon mise en bulletin par Napoléon lui-même, rien de plus, rien de moins.
Mais il importe de faire ici une distinction. Quand il écrit ses bulletins, Napoléon a souvent un motif pour tromper. À Sainte-Hélène, son unique but est de servir les intérêts de son fils et de sa dynastie. Lorsque ni son fils ni sa dynastie ne sont en cause, les mémoires méritent créance un peu plus que les bulletins.

Merci à Diana



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