Sainte-Hélène - L'endroit de vie.

Premières impressions.


Napoléon à Gourgaud: (Bordonove, Napoléon en route vers Sainte-Hélène, p259)

Du sabord de sa cabine, la lorgnette au poing, Napoléon regardait l'île se rapprocher; il dit à Gourgaud: "Ce n'est pas un joli séjour. J'aurais mieux fait de rester en Égypte; je serais à présent empereur de tout l'Orient…"


Madame Bertrand

Merci à Diana



Le commissaire Marquis de Montchenu avait écrit dans ses rapports:


Toutes les descriptions de Sainte-Hélène que j’avais lues avant d’arriver ne m’avaient donné qu’une idée bien imparfaite de cette île et, de là, je conclus qu’il n’est pas possible d’écrire sans embellir. C’est l’endroit du monde le plus isolé, le plus inabordable, le plus difficile à attaquer, le plus pauvre, le plus insociable et le plus cher.

(Montchenu avait paraphrasé le rapport du commissaire russe, Balmain, qui avait un don pour la prose.)


André Castelot est allé deux fois à Sainte-Hélène. Voici sa description:

"Ce dimanche 15 octobre 1815, du pont du Northumberland, l'oeil vissé à sa lorgnette, le prisonnier d'Etat regarde cette écrasante muraille brune et rouge, qui, d'une effrayante hauteur, de trois cents à huit cents mètres, tombe d'une masse dans la mer, dans cette mer qui, il y a des millénaires et des millénaires, l'a vomi de ses entrailles... C'est ainsi que certains Anciens devaient s'imaginer l'arrivée aux enfers après avoir traversé le Styx!... Aujourd'hui encore, lorsqu'on atteint cette monstruosité de la nature, l'épouvante vous saisit en pensant que c'est là qu'est venue s'achever la chute d'un Empire."


Balmain, Sainte-Hélène, 29 juin 1816.

Comme il n’est guère possible de donner une description de Sainte-Hélène autre que celles déjà répandues en Europe, je me borne à répéter que c’est l’endroit du monde le plus triste, le plus inabordable, le plus facile à défendre, le plus difficile à attaquer, le plus cher et surtout le plus propre à l’usage qu’on en doit faire.

Merci à Diana



Pasteur Latrobe - extrait du journal -

Je suis allé tôt sur le pont, m'attendant à trouver un pic énorme s'élevant en sortant de la mer, comme Sainte-Hélène est souvent représentée. J'ai été donc surpris de voir une terre longue, élevée, et, de cette distance, d'aspect régulier, sans exhiber quelque chose de choquant ou de pittoresque; mais, en s'approchant, ses caractéristiques particulières devinrent visibles, et son aspect est devenu intéressant. Je n'ai jamais vu de côte à l'air aussi désolé; et l'on pouvait imaginer que l'angoisse des dames qui ont accompagné Bonaparte était aussi grande qu'elle avait été décrite, lorsqu'elles virent les précipices lugubres et noirs, sans un brin d'herbe ou de buisson sur eux, parmi lesquels elles devront peut-être passer le restant de leur vie. Plusieurs "kloofs" (pour conserver l'ancienne appellation préférée) divisent les masses de rochers déchiquetés. Elles paraissent remplies d'un terreau noir, fragments effrités de substances volcaniques décomposées.
[...]
À l'approche de l'île, mon attention fut attirée par plusieurs pics d'aspect curieux, par des rochers de forme fantaisiste, et par des cavernes au niveau de la mer. La couleur générale des rochers est gris foncé, avec des fissures et des veines de teinte marron jaune. Des batteries d'artillerie sont placées sur plusieurs éminences, formant une ligne de défense tout autour de la partie accessible de l'île. Lorsque nous avons contourné la pointe de l'île, Jamestown est apparue d'un coup à nos yeux, avec une belle église, des maisons paraissant propres, et une rangée d'arbres près de la plage. Certains bosquets de cacaotiers et d'arbres divers ornent les jardins.


Voyez l'article complet, avec de nombreuses notes, sur le site d'Albert Benhamou, L'Autre Sainte-Hélène.




Merci à BBea53



Après peu de temps, voici les plaintes des commissaires étrangers:


Extrait de "Sainte-Hélène - 1: la captivité de Napoléon" d'Octave Aubry p 215.

Montchenu à M. de Dinens, directeur des postes à Angoulême, 25 juilet 1816.

"L'aspect en est hideux. Vous ne voyez que des montagnes sans végétation, de la hauteur de cinq cents toises… Une seule petite ville où il y a une soixantaine de maisons, pas un seul village, quelques chaumières éparses que l'on décore du nom de maisons de campagne, dont une dizaine sont logeables, de très beaux chemins taillés dans le roc et toujours bordés de précipices effrayants, point de sentiers praticables, voilà, mon cher, le séjour de votre ami… On manque de tout et tout est d'un prix exorbitant."

Strümer à Mertternich, le 2 septembre 1816 – 10 janvier 1817

"J'ai appris à connaître les difficultés innombrables que l'on rencontre ici de toutes parts dans les moindres choses. La position géographique de l'île qui rend les communications lentes et pénibles, l'isolement où se trouve Bonaparte et tout ce qui lui appartient! Caractère difficultueux de celui de qui tout dépend ici (Lowe), sont autant d'obstacles, souvent insurmontables, contre lesquels nous avons à lutter. – La beauté du climat, ce seul point de compensation que nous espérions pouvoir opposer à tant de désagréments, ne mérite pas la moitié des éloges qu'on lui donne..."

Balmain à Nesselrode, 29 juin 1816

« Sainte-Hélène est l'endroit du monde le plus triste, le plus inabordable, le plus difficile à attaquer, le plus insociable, le plus pauvre, le plus cher et surtout le plus propre à l'usage qu'on en fait maintenant..»




Le climat:




Les hautes pressions de l'Atlantique Sud et la zone dépressionnaire équatoriale contrôlent le climat de Ste. Hélène. Malgré la situation tropicale l'île, son climat est toujours doux et uniforme, grâce aux alizés du sud-est. Les alizés soufflent presque continuellement, ce qui entraîne une météo très changeante : un matin pluvieux et gris, peut souvent se transformer en une après-midi ensoleillée.

Il y a d'importants contrastes climatiques entre Jamestown, la capitale, qui se trouve sous l'influence des vents du nord, et les régions intérieures. Jamestown peut être ensoleillée et légèrement pluvieuse, pendant que des endroits comme Longwood, subissent des brumes froides et des averses. Les températures à Jamestown varient entre 20° et 32°C en été et entre 15° et 26°C en hiver. Les températures à l'intérieure des terres sont, en moyenne, 5° à 6°C inférieures.

Le micro-climat de Longwood


Certains affirmaient que le climat de l'île était bon - très bon même - et qu'il était faux de dire qu'il ne convenait pas à l'Empereur.
Peut-être même certains étaient-ils de bonne foi, soit en répétant ce qu'ils avaient lu ou entendu, soit qu'ils habitaient une autre partie de l'île.

Il était de bon ton de dire que Napoléon exagérait, jouait au malade dans l'espoir de se faire rapatrier, en d'autres mots qu'il mentait sur son état de santé.

Toutes ces affirmations sont balayées quand on lit le temps régnant sur le plateau de Longwood.

La chaleur torride, la pluie, le vent violent balayant le plateau, l'altitude le mettant dans le brouillard, les grandes différences de températures dans un court laps de temps et l'humidité tenace.

Un officier (camp de Deadwood) a donné cette définition du climat:
« II y a à Sainte-Hélène deux saisons: la courte saison des longues pluies, et la longue saison des courtes pluies. »

Les décideurs ont toujours clamé que Napoléon était très bien installé et pourtant...

Hudson Lowe n'est pas sans connaître tous ces inconvénients car, lorsqu'il est question de changer la résidence du « général », et que l'on parle de Plantation House, il confie cyniquement au commissaire russe:
- Je ne veux pas céder Plantation House aux Français. Ils abîmeraient tout, et puis Lady Lowe ne se porterait pas aussi bien à Longwood et je ne sacrifierai jamais la santé de ma femme au bon plaisir de Bonaparte.

(Extrait de "la vie quotidienne à Sainte-Hélène" de Gilbert Martineau. - p110)
(Merci à Diana)



Les saisons. Octave Aubry: Sainte-Hélène 1 - la captivité de Napoléon, p175.


A Sainte-Hélène il n'est pas de saisons franches. Point de nouveauté dans le paysage. Toujours les mêmes arbres qui, sauf quelques têtes rousses de chênes à l'automne, ne jaunissent et ne se dépouillent jamais. Cette verdure permanente ennuie. Un changement de saison, c'est une espérance: elle était refusée à Napoléon.

Le ciel n'était guère moins capricieux, moins subitement variable. La mer est bleue, un dur soleil raye la peluche des prés et fait éclater dans les jardins tous les rouges des hibiscus, des géraniums, des bougainvilliers, et de ces poinsettias qui portent au bout de feuilles plates d'éblouissants diadèmes. Les moineaux de Java, en troupes innombrables, pépient sur les gommiers, les sapins du bosquet, le chêne sous lequel l'Empereur s'assied souvent.

Un moment après, la féerie est morte. Un lourd couvercle de nuages s'abat sur l'île, les montagnes fauves et noires, striées de vert, ont disparu. Une ouate opaque couvre tout. On ne voit point à six pas. Puis une gifle du vent, un réveil de l'alizé qui ne dort jamais qu'à demi, et les buées s'évaporent. La lumière de nouveau inonde. Un instant plus tard, elle s'éteint encore et une longue, fine pluie commence qui ne durera peut-être qu'un quart d'heure, ou ne finira que dans huit jours…


Hépatite et climat. Octave Aubry: Sainte-Hélène Tome I - La captivité de Napoléon - Flammarion 1935


O’Meara, le 1er 0ctobre, dans un bulletin adressé au gouverneur, prononçait le mot redouté d’hépatite chronique. (1)
Cette hépatite, O’Meara n’osait l’attribuer ouvertement au climat. Mais il entendait bien qu’elle lui était imputable. Et Lowe ne doutait pas de son intention. Qu’était donc ce climat de Sainte-Hélène ? Meurtrier comme beaucoup l’on prétendu ? En internant Napoléon sur ce rocher, les Britanniques avaient-il espéré l’y faire mourir ? C’est là pur enfantillage. Jamais les Anglais, même Bathurst, n’eurent pareille idée. Le climat de Sainte-Hélène n’a pas changé. Aujourd’hui comme il y a cent ans, c’est celui d’un navire à l’ancre, souffleté sans trêve par la mer et par l’alizé. Point malsain à présent, il ne l’était pas davantage en 1815 (2). Cependant la mortalité était très élevée (3).


(1) «Ce matin, le général Bonaparte s’est plaint d’une douleur sourde dans la région de l’hypocondre droit et d’une sensation analogue dans l’épaule droite. Aucune d’elles n’étant très vive, si cette douleur continue ou s’accroît, il y aura tout lieu de croire à une crise d’hépatite chronique. » (1er février 1817, L. P., 20.120. Inédit)
Le 5 octobre, autre bulletin, celui-là formel :
« Une enflure sur le côté droit est évidente à la vue et au toucher, mais je ne suis pas encore en mesure de déterminer si elle procède d’un gonflement du foie, ou si elle lui est extérieure…Il est bien probable qu’il s’agit d’hépatite chronique. (L. P., 20.120)

(2) « On a prétendu que le climat avait amélioré par le boisement de l’île, dû pour une grande partie à sir Hudson Lowe. Les pins et les peupliers plantés par le geôlier ont presque tous cédé la place aux cultures de « flax », sorte d’aloès dont la fibre sert à tresser les cordages recherchés par la construction maritime. Sainte-Hélène se retrouve donc aujourd’hui dans les conditions mêmes que connut l’Empereur. Tout le changement vient d’une adduction d’eau meilleure (entreprise également par Lowe). La dysenterie d’autre part à disparu. L’air trop chargé de vapeurs, peut déprimer à la longue. Mais on vit vieux à Sainte-Hélène. C’est même aujourd’hui l’endroit du monde où, l’on trouve le plus de centenaires.

(3) « Les chiffres de décès relevés par l’auteur pour la période 1815-1821 dans les archives de Jamestown n’admettent à cet égard aucune discussion. Parmi les troupes stationnées à Sainte-Hélène, les décès atteignaient 40 pour 1000, chiffre très supérieur à ceux de tous les pays tempérés. Il est vrai que les soldats, nourris surtout de viande salée et buvant trop d’alcool, se trouvaient en faible état de résistance.

Merci à Diana


Le climat est-il coupable?. Octave Aubry: Sainte-Hélène Tome I - La captivité de Napoléon - Flammarion 1935



"Comment expliquer une telle contradiction ? Tout simplement – et il est extraordinaire qu’on ne s’en soit pas avisé plus tôt – par le défaut d’hygiène de l’époque. À Sainte-Hélène, il était meurtrier. L’eau mauvaise, rare, menée des sources du pic de Diane par des rigoles mal couvertes, étaient souillées par les bestiaux. Des marécages emplissaient le fond des vallées où les moustiques pullulaient, propageant diverses formes de paludisme (11). Enfin les noirs tirés d’Afrique avaient apporté la dysenterie. De nombreux soldats anglais établis sous la tente en mouraient (12). Presque tous les compagnons de l’Empereur, à des époques variables, en furent atteints. Lui-même, au début, en souffrit quelques jours.
Consécutives ou non à la fièvre, nées d’une alimentation médiocre et trop carnée ou de la moiteur de l’air, les maladies du foie étaient fréquentes alors à Sainte-Hélène. En décembre 1816, Montchenu écrivait au duc de Richelieu : « L’engorgement du foie est la maladie la plus commune. Le comte de Balmain en est déjà atteint, mais il a été pris à temps (13). » Et Stürmer à Metternich, le 10 janvier 1817 : Quantité d’Anglais souffrent d’obstruction du foie et de maladies inflammatoires…Il n’y a pas de jours où il n’y ait un enterrement. »"

(11) Des savants anglais, entre autres le professeur Keith et sir William Leishman, ont émis l’opinion que Napoléon avait souffert d’une forte fièvre de Malte ou « undulent fever » qui aurait eu pour conséquence une inflammation du foie. Cette hypothèse mérite un sérieux examen. Les chèvres, grandes propagatrices de la fièvre de Malte, infestaient tous les escarpements de l’île, aux années de la Captivité. La fièvre a longtemps été une des causes les plus fréquentes de mortalité à Sainte-Hélène. (J.-C. Mellis, Saint-Hélena, 308.)

(12) Dans son rapport du 10 septembre 1816, Balmain indiquait que l’état sanitaire était mauvais. Les fièvres inflammatoires sévissaient.
« Le 66e d’infanterie a perdu le quart de son effectif. »
Le 16 août 1817, Gourgaud notait : « L’ennui règne à Longwood comme au camp, où depuis sept jours il est mort quatre soldats de dysenterie. » Il y eut aussi à Deadwood une épidémie de typhus.

(13) Balmain ne semble avoir eu qu’une indisposition légère. Montchenu exagère toujours les désagréments ou les périls de son emploi afin d’obtenir des compensations pécuniaires. On doit tenir compte de cet état d’esprit.

Merci à Diana



Longwood.



Voilà une description pas très aguichante des lieux qui furent attribués à l'Empereur (extrait du chapitre VIII de l’œuvre de Achille. De Vaulabelle – HISTOIRE DES DEUX RESTAURATIONS)



« …ce fut seulement le 8 décembre que l’amiral Kockburn put annoncer au prisonnier que Longwood se trouvait en état de le recevoir. L’ancienne vacherie, construite en pierre, et longue de vingt-trois mètres sur dix mètres de large, formait la partie principale de la résidence ; divisée en huit pièces de grandeurs différentes, on y avait réuni le cabinet de travail et la chambre à coucher de Napoléon, un cabinet de toilette, la salle à manger, un office et une bibliothèque. Un salon, joignant la salle à manger et précédé d’une autre pièce qui devint la salle des cartes et plans, avait été construit en potence sur la face antérieure de l’ancienne vacherie ; en arrière de celle-ci, et dans le même axe que le salon et la salle des cartes, se trouvaient les autres dépendances de l’habitation. Les murs des nouvelles constructions étaient de planches, leur toiture en papier goudronné. D’autres planches, que supportaient de petites bandes de sapin posées à plat sur la terre fangeuse de la vacherie, formaient le plancher du cabinet et de la chambre à coucher du captif, ainsi que la salle à manger et de la bibliothèque. Toutes ces pièces étaient établies au niveau du sol ; il n’existait point de caves, et on ne pouvait arriver aux greniers que par le dehors et à l’aide d’échelles. L’humidité qui suintait à travers toutes les cloisons pourrissait à ce point les planchers, qu’un jour celui de la chambre de Napoléon s’effondra et livra passage à un flot d’eau fétide qui contraignit l’Empereur de se réfugier dans une pièce voisine. »

Merci à Diana



© collection de La Bricole.



Le choix de Longwood.



Le choix de Longwood fut fait par Cockburn en octobre 1815 sur les recommandations du colonel Wilks, alors gouverneur de l'île (pour la société commerciale des indes orientales). Wilks indiquait les avantages du lieu pour une surveillance efficace. Cockburn s'attacha ensuite à rajouter des baraques à la maison de Longwood, qui n'était plus une vacherie depuis quelques années car elle servait de résidence d'été au sous-gouverneur, Skelton. Wilks et Skelton furent en très bons termes avec Napoléon et sa suite.

Octave Aubry, dans "La captivité de Napoléon":

"Plantation House, résidence du gouverneur, dans un site abrité, entourée d'un grand parc, offrait de beaux appartements, avec une large vue sur la mer. Seulement elle était difficile à garder. Et du reste la Compagnie des Indes, en prêtant l'île à la Couronne, avait stipulé que cette demeure devrait continuer d'être affectée au gouverneur. Le cabinet anglais n'entendait pas l'en priver en faveur de son prisonnier. Avant tout, il voulait le placer en un lieu d'où la fuite serait impossible."


G Martineau "Napoléon à Sainte-Hélène".

"Le matin du 17, Bertrand va examiner ce logement provisoire (la maison Portéous) et revient abattu : il ne s'agit que d'une pension modeste et inconfortable, sans cour, de plain-pied avec la rue, exposée au bruit, à la chaleur et à la vue des passants. Quel contraste avec le fort voisin, le Castle, qui, avec ses murs crénelés, ses fossés, ses salles de réception, a une certaine allure (5). Mais Cockburn, imbu du principe selon lequel la demeure est l'affirmation du rang, tient à se réserver cette bâtisse : elle est le siège du gouvernement et doit demeurer le symbole de l'autorité. Il n'est pas mauvais, politiquement parlant, que la maison Portéous - c'est le nom de l'auberge dévolue à Boney - fasse pauvre figure auprès du château. Ainsi le veut l'ordre établi et ce sera pour "Bonaparte" la première leçon d'humilité.
Si Cockburn tenait au Castle, le colonel Wilks entendait garder ses habitudes à Plantation House. Cette maison était pourtant la seule qui convînt à un souverain qui s'en était remis à la générosité de son adversaire. Mais il était essentiel de marquer le fossé entre les prisonniers et gardiens ; tout comme le fort, Plantation House est le symbole du pouvoir et il ne saurait être question de la céder au "Général"

(5)Le Castle avec son jardin, ses terrasses donnant sur la mer et ses hautes murailles eût constitué une résidence supportable. Telle était d'ailleurs le souhait de lord Liverpool qui, pour excuser le choix de Sainte-Hélène, avait assuré à un de ses ministres: L'île possède une très belle citadelle où il pourrait résider".

Merci à BBea


J.Macé dans son dictionnaire de Sainte-Hélène

"A l'Est de l'île un vaste plateau dénudé battu par les vents (…), si bien qu'il était facile de définir et contrôler une zone de libre circulation autour de la maison. Ces raisons incitèrent l'amiral Cockburn à considérer Longwood comme le site le mieux adapté à la résidence du général Bonaparte. "
" En août 1821,la Compagnie des Indes retrouve ses droits à Sainte-Hélène et récupère le domaine de Longwood, qu'elle afferme en exploitation agricole "

Merci à BBea



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La maison capable d’accueillir l’Empereur sur l’île de Sainte-Hélène était Plantation House. Malheureusement elle était habitée par le gouverneur.


En 1818, Lowe recommanda à Bathurst de déménager Napoléon à Rosemary Hall. L’Empereur faillit aussi être transféré à Farm Lodge en 1818, mais les révélations de Gourgaud au congrès d'Aix-la-Chapelle eurent une influence néfaste envers Napoléon. Gourgaud a inconsidérément déclaré à Lowe que le site de Longwood était de loin le plus facile à garder alors que Napoléon pouvait s'échapper de l'île quand il le voudrait. Ces révélations de Gourgaud eurent pour effet d'augmenter la prudence et la surveillance et Napoléon resta à Longwood. Toutes les Cours d'Europe eurent des rapports sur ces révélations et le congrès vota pour renforcer la surveillance et reconduire le mandat anglais à cette tâche.


Les plans de Longwood.

(Ces plans sont tirés des mémoires de Montholon: "La captivité de l'Empereur Napoléon à Sainte-Hélène"

Longwood en 1815

Longwood en 1821

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L'insalubrité du "palais" de Longwood.

La vie quotidienne à Sainte-Hélène au temps de Napoléon - Gilbert Martineau - Tallandier 2005 - p. 109 - 110.

La disposition de la maison, son architecture ne sont point pour aider à dissiper l’envahissante humidité ; point de cave et point de ventilation des structures. Conçue pour être une résidence d’été, les murs en ont été élevés sur de simples et légères fondations de pierre volcanique et poreuse. Le sol argileux, qui forme le plateau de Longwood, a beau jeu de retenir et d’entretenir la fraîcheur pendant la belle saison, mais l’hiver… L'hiver, les vêtements, les cuirs, les rideaux se couvrent d’une fine couche de moisissure blanchâtre. Les Français au début n’en croyaient pas leurs yeux. Albine de Montholon soupire sans cesse que « le climat est très désagréable, humide, variable, il est impossible de sortir après le coucher du soleil ». Gorrequer, lui, jure que, dans son bureau de Plantation House « les murs sont couverts d’une moisissure verte épaisse de deux centimètres », ce qui lui vaut une crise de rhumatisme en 1818. Quant aux commissaires étrangers, nous verrons comment ils feront du climat détestable l’argument de poids de leurs récriminations et de leurs différentes requêtes à leurs Cours.
Contrairement à une conception qui semblait alors logique, les feux ne suffisent pas pour assécher l’air, le degré d’humidité relative augmentant en même temps que la température ; ce sera donc en pure perte que l’Empereur, frileux, craignant avec raison l’atmosphère de cave de son intérieur, fera flamber des tonnes de bois, et de bois vert, hélas. L'humidité persistera – on trouvera des planchers pourris dans sa chambre – et les cheminées, qui tirent mal, ne feront que rendre plus inconfortables encore les heures qu’il passe à lire ou à se perdre dans de tristes songeries.





La difficulté de vivre à Longwood. Octave Aubry: Sainte-Hélène 1 - la captivité de Napoléon, p175.

Maintenant qu'ils étaient installés à Longwood, la distraction de la nouveauté s'épuisant, ces gens accoutumés aux plus beaux hôtels et châteaux de France éprouvaient l'incommodité du site et la pénurie du logement. Cinquante personnes entassées, la maison pleine d'allées et venues d'ouvriers occupés à édifier les annexes, les rats qui sortant par troupes du plancher, épouvantent les femmes et les enfants, l'extrême humidité qui fait en quelques jours des habits, des robes à ruches et volants, de pauvres nippes qu'il faut sans cesse passer au fer, les cheminées qui fument, l'odeur de la cuisine trop proche qui se répand partout, les plaintes des domestiques qui trouvent tout mal, les mouches et les moustiques dont les mousselines sur les fenêtres, les lits, n'abritent pas… Et sur tout cela, la surveillance étroite, mesquine, insupportable des Anglais. Ne pouvoir sortir des étroites limites sans l'escorte d'un habit rouge, se heurter à chaque pas à des sentinelles qui croisent sur vous la baïonnette, avoir sans cesse sous les yeux le manège du corps de garde, du camp dressés pour assurer la prison, à la longue ces désagréments tournent au supplice.



Les rats



Mémoires de Marchand, BN - Tallandier , 1991 - p 216

Dans le commencement de notre arrivée, les rats se répandaient dans toute la maison, du grenier au rez-de-chaussée. Depuis longtemps, à l’exception du grenier où quelques-uns se laissaient voir encore, tous s’étaient réfugiés et se tenaient autour du garde-manger, débouchant le soir par les trous qu’ils s’y étaient pratiqués et en garnissant le pavé de manière à le rendre noir. Ils grimpaient après les murs jusqu’à une extrême hauteur et s’élançaient quelquefois avec succès sur les viandes suspendues au plafond au moyen d’un crochet en fer. Pour ne pas en être infectés en leur préparant une nourriture mêlée d’arsenic qui les aurait fait crever dans leurs terriers, on disposait une grande ratière en très gros fils de fer bien attachée au sol, avec de l’appât; chaque matin huit ou dix rats se trouvaient pris; furieux de ne pouvoir sortir du piège dans lequel ils étaient entrés, ils se battaient entre eux. Le matin, la ratière était apportée au milieu d’un gazon, les chiens de l’écurie étaient en arrêt, et aussitôt qu’il en sortait un, le chien le saisissait aux reins, les lui cassait, et le laissait pour mort sur la place. II arrivait quelquefois que ces mêmes chiens étaient mordus par les rats qui se défendaient en désespérés, mais ils revenaient aussitôt à la charge, se promettant d’être plus adroits.


Tiré de Napoléon à Sainte-Hélène de Ganière:

"Les rats constituèrent eux aussi un redoutable fléau. Leur présence sur le plateau de Longwood avait été de tout temps constatée. Périodiquement, les annales de l'île signalaient leurs méfaits ou traduisaient la satisfaction des habitants lorsqu'une épidémie mystérieuse laissait croire à leur disparition. L'arrivée d'une collectivité qui, malgré les consignes d'hygiène qui lui avaient été communiquées, s'abstenait de détruire les déchets de cuisine soit en les enterrant soit en les brûlant, provoqua instantanément leur prolifération. Les alentours de la maison furent ainsi envahis par une véritable armée de rongeurs, montant la garde devant la porte de l'office, détruisant poulaillers et clapiers, se faufilant partout, même dans les pièces d'habitation. La nuit, l'Empereur les entendait grouiller au-dessus de sa tête, gratter sous le plancher de sa chambre, s'attaquer aux boiseries. Un jour même, il en vit un sortir de son chapeau alors qu'il s'apprêtait à le prendre pour sa promenade du soir. Il fallut organiser de véritables battues, au cours desquelles, à coups de tisonnier ou de tire-bottes, plusieurs dizaines de ces hôtes indésirables restaient sur le carreau, pour la plus grande joie des Chinois qui en faisaient volontiers leur ordinaire."


Le baron Stürmer, dans sa dépêche No.2 de janvier 1817:

Une nuée de sauterelles fut jadis regardée en Egypte comme un fléau du ciel. Qu’était ce pourtant auprès du fléau de cette île ? Elle est couverte de rats qui y font, journellement, les plus grands dégâts et contre lesquels les habitants mêmes ne peuvent assez se précautionner.


Las Cases, le 27 juin 1816 (Le Mémorial) :

"Nous avons failli n'avoir point de déjeuner : une irruption de rats qui avaient débouché de plusieurs points dans la cuisine durant la nuit, avaient tout enlevé. Nous en sommes littéralement infestés ; ils sont énormes, méchants et très hardis ; il ne leur fallait que fort peu de temps pour percer nos murs et nos planchers. La seule durée de nos repas leur suffisait pour pénétrer dans le salon, où les attirait le voisinage des mets. Il nous est arrivé plus d'une fois d'avoir à leur donner bataille après le dessert ; et un soir, l'Empereur voulant se retirer, celui de nous qui fut lui prendre son chapeau, en fit bondir un des plus gros. Nos palefreniers avaient voulu élever des volailles, ils durent y renoncer, parce que les rats les leur dévoraient toutes. Ils allaient jusqu'à les saisir la nuit, perchées sur les arbres."


Témoignage de Montholon :

"Le gouverneur fait mettre des lapins dans l'enceinte de Deadwood ; il veut, dit-il, que l'Empereur puisse faire de l'exercice en chassant. L'Empereur nous dit :
-C'est une mauvaise plaisanterie ; les rats mangeront les lapins. Il ferait bien mieux de les détruire, car ils pourraient finir par nous manger nous-mêmes.
Il y avait en effet une si grande quantité à Longwood, que bien souvent ils se promenaient dans nos chambres, et qu'il y avait nécessité de mettre des cuvettes d'eau sous les pieds des berceaux de nos enfants. Un des chevaux de l'Empereur, étant malade, eut une partie de la cuisse mangée la nuit par les rats. Le grand maréchal lui-même a été assez grièvement mordu à la main pendant qu'il dormait."


Montholon, alors en charge de l'intendance, au colonel Wynyard le 14 avril 1816: (source: Lowe Papers 20115)

Monsieur le colonel
Il n’y a plus de nappe de table à Longwood. Les rats les ont toutes détruites.


Albine :

"Il n'y avait dans l'île aucun animal venimeux mais en revanche des rats d'une grosseur énorme et en telle quantité qu'ils dégradaient les murs, se mettaient entre les boiseries et faisaient un vacarme affreux dans notre baraque. On craignait pour les enfants qu'ils ne s'introduisissent dans les berceaux, on y veillait continuellement, enfin c'était une vraie calamité !"


Merci à Cyril Drouet et à Albertuk




Les résidences invisagées


La maison de Miss Polly Mason


Jean-Pierre Fournier La Touraille - Hudson Lowe, le geôlier de Napoléon. - Perrin – 2006 – p 127

Lowe va jusqu’à proposer de louer une résidence plus commode à plus d’une lieue de Longwood. Il écrit à Bertrand :

Prenant en considération les plaintes faites contre Longwood, j’ai l’honneur de vous informer que j’ai obtenu le consentement de miss Masson à céder sa maison, l’une des mieux situées de l’île sous ce rapport, pour l’usage et la commodité du général Bonaparte, s’il veut l’accepter, durant les mois d’été, ou jusqu’à ce qu’une réponse arrive de mon gouvernement au sujet d’autres arrangements pour lui.

Il n’y aura pas de réponse. Les rencontres entre Lowe et Bertrand se multiplient en vain : Napoléon ne se satisferait que d’une capitulation en rase campagne. Hudson Lowe n’est pas au bout de ses peines.


Note d'Albertuk

La maison de Miss Polly Mason se trouvait de l'autre côté du ravin qui la séparait du plateau de Deadwood. Elle offrait des avantages au point de vue ombrage. L'offre de Hudson Lowe datait de l'automne 1817 mais il n'avait pas obtenu de réponse de la part de Napoléon sur cette proposition d'"extension" de la propriété de Longwood. Il ne s'agissait pas à proprement parler d'un déménagement mais plutôt d'ajouter cette maison au domaine autorisé à Napoléon afin de lui offrir une résidence "secondaire" en quelque sorte pour la saison des chaleurs. Cette circonstance est aussi rapportée par le bulletin de Balmain en date du 8 janvier 1818. Mais une dispute entre Lowe et Bertrand a alors fait aigrir la relation entre Longwood et Plantation House, et la transaction avec Miss Mason ne fut pas conclue.

Cependant la discussion d'un déménagement en bonne et due forme prit forme à partir du début février 1818. On finit par convenir que l'habitation de Rosemary Hall (celle où se trouvaient Stürmer et Balmain) qui se trouvait proche de Plantation House allait convenir le mieux à Napoléon. Hudson Lowe se mit d'accord sur un prix à payer pour l'achat de cette propriété et envoya la demande de budget à Bathurst, en démontrant que cet achat allait coûter moins cher en final au gouvernement anglais que de construire une nouvelle maison à Longwood compte tenu des coûts de main d’œuvre exorbitants. Mais........ cette époque a aussi été celle des "révélations" de Gourgaud... qui effrayèrent Bathurst et cette proposition de déménager Napoléon de Longwood fut bel et bien enterrée à jamais !!! On ne parla plus jamais de cette éventualité. Merci Gourgaud.






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