ClaudeM a écrit : ↑mer. 11 déc. 2019 23:44
cette insistance de notre époque à comparer Napoléon à Hitler me semble déplacée.
Il y a plusieurs manières de faire cette comparaison.
Certains vont comparer Napoléon et Hitler pour démontrer que Napoléon est à l'égal d'Hitler l'incarnation du mal absolu, voire davantage.
A titre d'exemple, le livre de Claude Ribbe me semble, même si je ne l'ai pas lu, rentrer dans cette catégorie. En poussant la comparaison jusqu'à affirmer que Napoléon aurait eu lui aussi recours à des chambres à gaz pour exterminer les révoltés de Saint-Domingue, Claude Ribbe entend démontrer qu'il n'y a aucune différence entre Napoléon et Hitler, mais aussi que ses frères de couleur ne sont pas moins victimes que les juifs exterminés par les nazis.
Cette démarche est d'un point de vue historique assez contre-productive, puisqu'elle va, de par cet a priori, se couper d'emblée d'une partie du public auquel les révélations faites dans le livre auraient dû ouvrir les yeux. D'un point de vue éditorial, en revanche, elle est sans doute plus rentable, car si Claude Ribbe avait adopté un ton plus impartial, il est probable que son livre serait resté confiné à un public restreint. En adoptant au contraire un ton hautement polémique, il a réussi à faire parler de lui, même si les ventes de son livre n'ont peut-être pas été en proportion de son écho médiatique.
Tous ceux qui citent Napoléon et Hitler dans une même liste de dictateurs avec d'autres ne vont pas nécessairement aussi loin que Claude Ribbe dans l'assimilation de Napoléon et Hitler. Une telle assimilation des grands conquérants se faisaient déjà avec une certaine réprobation avant Hitler, Staline et Mao qui sont venus s'ajouter à la liste. Le fait que ces trois personnages dépassent largement les autres par le nombre de victimes qu'ils ont laissé derrière eux n'ôtent pas toute pertinence à une telle liste qui établit une continuité entre ceux qui y figurent.
Une assimilation de Hitler avec Napoléon a également été faite pendant la Seconde Guerre mondiale, notamment en Union Soviétique. A l'inverse des comparaisons précédentes, celle-ci ne cherchait pas à faire endosser à Napoléon les crimes des nazis, mais au contraire à inciter à repousser l'offensive allemande comme on avait repoussé l'offensive de Napoléon.
La comparaison qu'a osée Eric Zemmour dans l'émission télévisée dont le lien est donné dans le premier message de ce fil est en revanche tout à fait inhabituelle et assez incongrue, puisqu'en affirmant que les Anglais auraient empêché Hitler d'unifier l'Europe comme ils avaient empêché Napoléon de le faire, Eric Zemmour donne une coloration positive à l'occupation nazie. :fou:
La comparaison faite par Jennifer Siegel entre la manière dont Napoléon a financé les guerres et celle à laquelle les nazis ont eu recours me paraît en revanche s'inscrire dans une démarche historique comparative cohérente. Elle n'a pas pour but de donner un caractère criminel aux actions de Napoléon en les assimilant aux crimes nazis. Faire payer la guerre aux vaincus n'est évidemment pas ce qu'il y a de plus sympathique pour les vaincus, mais ce n'est pas considérer comme un crime puisque c'est ce que les vainqueurs de la Première Guerre mondiale avaient imposé à l'Allemagne par le traité de Versailles. Jennifer Siegel ne pouvait toutefois pas établir la comparaison entre le mode de financement de la guerre adopté par les nazis avec les dommages de guerre imposés à l'Allemagne après la Grande Guerre, car son étude portait sur la manière d'assurer le financement de la guerre pour la continuer et non sur la manière de récupérer a posteriori une partie de ce financement. C'est donc avec Napoléon que cette comparaison était possible, en tout cas si l'on se limite à la période sur laquelle porte le livre. J'ignore en fait si d'autres ont pu, à d'autres époques, financer leurs guerres en faisant contribuer les vaincus. Pour pouvoir le faire, cela suppose plusieurs conditions. Soit comme Napoléon, des victoires successives qui entraînent des traités de paix où les vaincus doivent payer une contribution plus ou moins lourde. Soit, comme lors de la Seconde Guerre mondiale, des armistices, suivis d'une occupation du territoire où l'on peut percevoir des impôts pour financer l'occupation.
Dans les siècles précédents, il y a eu des occupations de territoire, notamment en Belgique (dénommée à l'époque Pays-Bas, à l'exception de la Principauté de Liège), mais c'était peut-être plus des troupes qui stationnaient sur ces territoires dans l'attente du retour de la belle saison pour reprendre les combats qu'une occupation qui mettait en place une nouvelle administration capable de percevoir des impôts.
« Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère, et n'aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil ? »