Cipriani Franceschi a écrit :
Nous pourrions bien entendu évoquer le massacre de Jaffa, lequel de nos jours serait vu sans doute possible comme un crime de guerre...
Mais à l'époque de Napoléon ce n'était pas le cas
Revenons donc à l'époque :
Décret du 4 mai 1792 :
« L'Assemblée nationale, voulant, au commencement d'une guerre entreprise pour la défense de la liberté, régler, d'après les principes de la justice et de l'humanité, le traitement des militaires ennemis que le sort des combats mettrait au pouvoir de la nation française ;
Considérant qu'aux termes de la Déclaration des droits, lorsque la société est forcée de priver un homme de sa liberté, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ;
Reconnaissant que ce principe s'applique plus particulièrement encore aux prisonniers de guerre, qui, ne s'étant point rangés volontairement sous la puissance civile de la nation, demeurent sous la sauvegarde plus spéciale du droit naturel des hommes et des peuples, décrète qu'il y a urgence.
L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, déclare et décrète ce qui suit :
Art. 1er. Les prisonniers de guerre sont sous la sauvegarde de la nation et la protection spéciale de la loi.
Art. 2. Toute rigueur déplacée, insulte, violence, ou meurtre commis contre des prisonniers de guerre, seront punis d'après les mêmes lois, et des mêmes peines que si ces excès avaient été commis contre des Français. »
Peyrusse (lettre du 10 mars 1799; « Expéditions de Malte, d'Egypte et de Syrie. Correspondance (1798-1801) ») est très clair sur les deux cas de figures :
« Que, dans une ville prise d'assaut, le soldat effréné pille, brûle et tue tout ce qu'il rencontre, les lois de la guerre l'ordonnent et l'humanité jette un voile sur toutes ces horreurs ; mais que deux et trois jours après un assaut, dans le calme de toutes les passions, on ait la froide barbarie de faire poignarder 3 000 hommes qui se sont livrés à votre bonne foi, on ne peut alors que faire un appel énergique à la postérité contre ceux qui ont donné un ordre aussi cruel. »
Dans le même sens, Jomini (Histoire critique et militaire des guerres de la révolution) écrivait ceci :
« Les personnes des prisonniers sont sacrées, elles sont sous la sauvegarde de l’honneur ; dès qu’on avait consenti à recevoir les armes de ces ennemis, aucune considération de prudence ne pouvait les priver des droits qu’ils avaient acquis par leur capitulation. »
Napoléon lui-même, dont les prisonniers de guerre sous son règne eurent la plupart du temps un sort bien plus enviable que chez d’autres nations coalisées, s’est exprimé sur le sujet à l’occasion de l’insurrection du Tyrol. Des prisonniers français et Bavarois ayant été massacrés (le nombre reste douteux), on accusa de ce crime le lieutenant-général autrichien Chasteler. Voici ce que Napoléon écrivit dans le 23e Bulletin du 28 juin 1809 :
« Le 10 avril, […] le général Chasteler insurgeait le Tyrol et surprenait 700 conscrits français qui allaient à Augsbourg, où étaient leurs régiments, et qui marchaient sur la foi de la paix. Obligés de se rendre et faits prisonniers, ils furent massacrés. Parmi eux se trouvaient 80 Belges nés dans la même ville que Chasteler. 1 800 Bavarois, faits prisonniers à la même époque, furent aussi massacrés. Chasteler, qui commandait, fut le témoin de ces horreurs. Non seulement il ne s'y opposa point, mais on l'accusa d'avoir souri à ce massacre, espérant que les Tyroliens, ayant à redouter la vengeance d'un crime dont ils ne pouvaient espérer le pardon, seraient ainsi plus fortement engagés dans leur rébellion.
Lorsque Sa Majesté eut connaissance de ces atrocités, elle se trouva dans une position difficile. Si elle voulait recourir aux représailles, 20 généraux, 1 000 officiers, 80 000 hommes, faits prisonniers pendant le mois d'avril, pouvaient satisfaire aux mânes des malheureux Français si lâchement égorgés. Mais des prisonniers n'appartiennent pas à la puissance pour laquelle ils ont combattu; ils sont sous la sauvegarde de l'honneur et de la générosité de la nation qui les a désarmés. »