Chronologie - Sainte-Hélène: la maladie de l'Empereur.

Les maux de Napoléon.


Docteur Maurice Boigey, d'après la conférence donnée par ce docteur "les médecins de Napoleon ", au théâtre de Trianon, à Bordeaux, sous la présidence du Prince Joachim Murat, en 1930. On trouve son article complet dans "l'Almanach Napoléon -1930-


"Certains côtés de la condition d'homme privé, quelques détails de la vie peuvent ajouter des traits caractéristiques à la figure de légende du Grand Empereur. Les historiens ont souvent signalé l'influence que sa santé avait exercée sur les destinées du monde. Le récit de choses vues, vécues et ressenties, dans son intimité ne le dépouillera pas de son prestige. Il ne nous apparaîtra pas diminué. Il nous deviendra seulement plus intelligible."

L'enfance du jeune Napoléon s'écoula sans maladie notable .
A l'école royale militaire de Paris le docteur de l'établissement était Jean Mac-Mahon, un des ascendants du Maréchal duc de Magenda; il ne semble pas que le jeune élève ait eu recours à ses soins .

En 1785, lieutenant en second à la compagnie de Bombardiers du régiment de la Fère, tenant garnison à Valence et à Lyon, Napoléon contracte dans cette dernière ville une fièvre sur laquelle nous ne possédons que des indications très vagues et reçoit les soins d'une genevoise Melle Agier ou Altier.

En 1786, Bonaparte revient en Corse: il allègue l'état médiocre de sa santé pour demander un congé de plusieurs mois. Il se rend avec sa mère aux eaux de Guagno, station thermale à 30 Km d'Ajaccio .
Rentré à Auxonne, le jeune lieutenant est atteint de paludisme. "Les marais qui entourent la ville, écrit-il, et les fréquents débordements de la rivière remplissent tous les fossés d'une eau putride exhalant des vapeurs empestées."
Il est soigné par le chirurgien major du régiment, le Docteur Bienvelot, un original s'il en fut et qui s'en tenait aux aphorismes d'Hippocrate.

En 1790, Bonaparte âgé de 21 ans, quitte Auxonne avec un nouveau congé de convalescence. Il revient à Ajaccio et va faire usage des eaux ferrugineuses d'Orezza, la plus célèbre des stations thermales de Corse .

Au printemps de 1791, revenu à Auxonne, il est nommé à Valence. Il a une récidive de fièvre palustre très tenace et est soigné par le docteur Parmentier, chirurgien major du régiment.

En 1793,à Toulon il est blessé à l'arme blanche à la cuisse; il est soigné par le Docteur Hernandez, chirurgien de la marine et plus tard professeur dans les écoles de Médecine navale de Toulon et de Rochefort.
Bonaparte est également atteint de la gale qui décime les troupes. Il est soigné par Desgenettes.

1796: Bonaparte va prendre le commandement de l'Armée d'Italie. Sa santé est précaire; il est maigre, d'aspect maladif et tousse sans cesse.
De retour en France, il adresse en septembre 1797 sa démission au Directoire. Le prétexte invoqué, c'est que sa santé altérée lui impose le repos.
Trois mois plus tard, il va mieux et accepte le commandement de l'armée d'Egypte (10 décembre 1797 - 19 Mai 1798) Rentré à Paris, il se présente, dit un contemporain, "fort maigre, très jaune, le teint cuivré, les yeux assez enfoncés et ayant souvent de la fièvre."

Corvisart entre en scène. Bonaparte avait des points de côté et toussait. Le docteur examine avec le plus grand soin le premier Consul, employant surtout la percussion, méthode qui n'était alors familière qu'à de rares médecins. Après un examen minutieux, il conclut à l'existence d'une inflammation des organes respiratoires .

Pendant le Consulat, la santé de Bonaparte ne s'est pas affermie. Il est presque aussi émacié, presque aussi jaune qu'en Egypte. Tous ceux qui le voient à cette époque remarquent sa maigreur et son air souffreteux.
Le Bonaparte, alors tourmenté par le tumultueux avenir de sa destinée, était sensiblement différent du Napoléon de 1810. A mesure que lui sourira la Fortune, son aspect extérieur, son attitude, son visage et pour tout dire sa physiologie, vont changer et changer à tel point que l'on s'explique la réflexion de ce négociant allemand abordant à l'île d'Elbe pour ses affaires et qui avait, quatorze ans plus tôt, entrevu le Premier Consul :
"A Paris disait-il, Napoléon était un homme petit et mince; celui-ci est bien plus petit et énorme. Ce n'est assurément pas le même "

En 1803, Bonaparte se trouve fort malade de la poitrine à Bruxelles. Il crache le sang et on envoie chercher en poste Corvisart. Il s'agissait d'une congestion pulmonaire.

Le bain chaud était sa passion. Il lui arrivait d'y avoir recours plusieurs fois par jour en cas de fatigue. L'exercice lui était indispensable. "Les grandes randonnées, disait-il, les courses exténuantes, une chasse pendant tout un jour: voilà mon grand secret. Je suis guéri et dispo si je sue."

De 1804 à 1807 sa correspondance trahit un bien-être physique constant. Jamais il ne s'est aussi bien porté. Mais plus tard les charges et les nécessités du pouvoir ralentirent son activité physique si favorable à sa santé.

A la fin de 1808, Napoléon éprouve, pour la première fois, des crises de gastralgie violentes et tenaces que Corvisart attribue à la rapidité avec laquelle L'Empereur prend ses repas.
En même temps apparaissent les premiers signes d'une transformation complète dans la constitution physique de L'Empereur. Un début d'embonpoint commençait à alourdir sa démarche .

L'année suivante, se trouvant à Vienne, il est atteint d'une légère inflammation au cou. Une éruption assez vive se déclare. Il consulte le célèbre médecin Frank: "il me trouva, dit Napoléon, un vice dartreux, une maladie grave." (voir article suivant, "Corvisart, médecin de Napoléon")

A partir de 1812, les historiens de l'Empereur attribuent à des changements de son état physiologique à un mal mystérieux. Le mot a été écrit, sans que rien ne légitime, pensons-nous, une influence plus ou moins grande sur la marche des évènements.
Le docteur Mestivier qui avait longtemps habité Moscou a laissé deux bulletins de santé dont l'un est daté du 5 septembre 1812. Nous y apprenons que depuis la veille de la bataille de la Moscowa, et pendant les jours qui suivirent, Napoléon fut incommodé par un gros rhume accompagné d'une extinction de voix qui ne lui permit ni de dicter ni de parler.

Fin 1813, soudain sa santé s'altère, cette fois plus sérieusement. Il est établi aujourd'hui qu'à Dresde Napoléon souffrit pendant plusieurs jours de coliques hépatiques. Pendant la bataille de Leipzig, dans la nuit du 17 au 18 octobre 1813, il est repris de douleurs gastriques et hépatiques intolérables. "Je me sens mal dit-il en appuyant la main sur son estomac, ma tête résiste, mon corps succombe." (au duc de Vicence )
Nous ne savons rien de positif sur la santé de Napoléon pendant la campagne de France.

De Mars à Mai 1815, la réorganisation du gouvernement et de l'armée, la préparation de la campagne de Belgique condamnèrent Napoléon à un travail de cabinet intense. Cette sédentarité forcée, combinée à un surmenage nerveux incessant, aboutirent à de nouvelles crises gastriques.
Savary, qui le vit le soir où il quitta Paris pour la Flandre, rapporte que l'Empereur souffrait cruellement de l'estomac.

Dans la nuit du 16 au 17 juin, avant-veille de Waterloo et le jour de la bataille, il eut plusieurs crises douloureuses qui ressemblaient fort à celle qu'il avait eue à Leizig: douleurs dans la région du foie et de l'estomac, insomnie nocturne à laquelle succède de la somnolence pendant la matinée. Mais ses facultés cérébrales étaient intactes .

1816: le prisonnier prend beaucoup d'embonpoint. Sa santé est passable mais l'année suivante elle devient mauvaise: il souffre de douleurs persistantes au côté droit et a les jambes enflées. On lui fait observer qu'il devrait marcher et prendre de l'exercice lorsque le temps le permet: "Vous n'entendez rien à ma santé, répond-il avec vivacité. Je sens le besoin de faire de l'exercice, mais c'est de faire dix lieues à cheval et non pas de tourner comme un tonton dans le jardin de curé qu'on nous donne. Tout ce que j'y gagne, c'est une fluxion et des douleurs rhumatismales "

1818: il a de l'insomnie, une douleur sourde au creux de l'estomac et des troubles de gravelle urinaire. Il parle de sa mort.

1819: Le prisonnier qui souffrait depuis quelques jours de furieuses douleurs au côté droit a une syncope. Stokoë rend visite à l'Empereur (malgré la volonté impériale ):
"Napoléon était étendu sur un sofa, le teint jaune, les traits tirés. Sa douleur au côté persistait. Une légère pression à l'endroit qu'il indiqua lui arracha une plainte". Stokoe crut reconnaître les symptômes d'une affection chronique du foie.

Août 1819: Bertrand prévient le gouverneur que Napoléon est plus souffrant que d'habitude "il a une figure de spectre" écrit le capitaine Nichols au major Gorreguer, secrétaire du gouvernement, à la date du 15 août.

Septembre 1819: arrivée d'Antommarchi. Il semble que sous l'influence de la thérapie nouvelle instituée par Antommarchi, la santé de Napoléon s'améliore. Le prisonnier recouvre des forces et même quelque bonne humeur. Mais le mieux ne persiste pas.

Mars 1820: il souffre beaucoup du côté droit et de l'estomac. En Octobre, les douleurs s'accompagnent de vomissements de mauvaise nature.

Avril 1821, le docteur Arnott a une première entrevue avec Napoléon .

27 Avril 1821: Arnott envoie de Longwood ce billet au gouverneur "Je suis retenu ici depuis onze heures. Le général Bonaparte est plus mal que je ne l'ai encore vu. Son estomac rejette tout. Des vomissements continuels l'épuisent"

A partir du 29 Avril le malade commence à délirer ......

Merci à BBea.


Corvisart, médecin de Napoléon - de Paul Ganière p 105-107


La bataille avait eu lieu les 5 et 6 juillet et, depuis le 13, l'Empereur logeait au château de Schonbrunn, résidence habituelle du souverain vaincu. Vers la fin du même mois, d'après le témoignage du comte de Ségur, maître des cérémonies "un mal mystérieux l'attaqua. Ses grands officiers les plus intimes en ont connu le secret. L'entière séquestration de l'Empereur pendant huit jours, de mystérieux conciliabules entre Maret, Berthier et Duroc, leur évidente anxiété et le prompt appel qu'ils firent à Corvisart et au plus célèbre médecin de Vienne, tout prouve une alarme sérieuse.»

Effectivement, l'Empereur était assez souffrant pour que le médecin de son ambulance, Lannefranque, pris de panique devant l'ampleur de ses responsabilités demandât l'avis d'un confrère plus autorisé. Il prolongeait ses visites quotidiennes au delà d'une heure, ce qui prouve bien ses angoisses, car d'après ce que l'on sait de sa personnalité, il était bien évident que Napoléon ne pouvait guère prendre de plaisir à sa conversation. Il conseilla, en premier lieu, d'appeler en consultation Jean-Pierre Franck, ancien médecin de Joseph II, homme aussi célèbre dans toute l'Allemagne que Corvisart l'était en France. Ce dernier, déjà âgé et infirme, procéda à un examen minutieux du malade, se montra assez pessimiste, et prescrivit de nombreuses drogues. Ses méthodes et ses prescriptions ne concordaient guère avec celles du Premier Médecin, si bien que Napoléon redoutant de faire les frais d'une mauvaise interprétation de son état, déclara devant l'Autrichien : «Pourquoi Corvisart n'est-il pas ici, il s'entendrait parfaitement avec vous et je serais tranquille." Franck approuva sans difficulté le principe de cette rencontre avec son collègue français, auquel Duroc écrivit aussitôt. Ce faisant, le Général espérait bien que Corvisart, dont il était l'ami, réussirait à reconquérir son ascendant sur l'Empereur, et à rétablir une situation pouvant paraître momentanément compromise. Le Premier Médecin sentit le danger, et gagna Vienne à bride abattue.
(…)
Semblant répondre à un mot d'ordre, tous ceux qui avaient vécu cette alerte en minimisèrent l'importance dans les récits qu'ils en firent. On parla de rhume, d'ophtalmie, de bronchite, de gastrite, et à moins qu'une découverte tardive de documents inédits ne vienne un jour révéler la nature exacte de l'atteinte dont souffrit alors Napoléon, il faut se contenter du récit qu'il en fit lui-même à Las Cases durant la captivité de Sainte-Hélène alors qu'il songeait déjà à la légende: "Il m'était survenu une petite éruption à la partie postérieure du cou; c'était peu de chose, mais ma suite s'en inquiétait et me pressait de recevoir un médecin dont on me disait merveille. J'y consentis. Franck fut appelé. Il me trouva un vice dartreux, une maladie grave; j'avais besoin d'un traitement préparatoire, de médicaments, de drogues, c'était à n'en plus finir. Je demandai Corvisart; il n'en fallut pas plus pour ranimer des espérances éteintes. J'étais malade, alité, j'avais perdu la tête, Chacun faisait son plan, tout s'agitait déjà. Corvisart, dans ce mouvement, ces inquiétudes, accourut d'autant plus vite et ne s'arrêta qu'il ne fût à Schonbrunn, croyant me trouver à la mort; je passais une revue, ma surprise fut extrême. Je rentrai, on m'annonça son arrivée, et je me mis à rire de l'étonnement qu'il avait montré:
- Eh bien, Corvisart, quelles nouvelles? Que dit-on à Paris? Savez-vous qu'on soutient ici que je suis gravement malade ? J'ai une petite éruption, une légère douleur à la tête. Le docteur Franck prétend que je suis attaqué d'un vice dartreux qui exige un traitement long et sévère. Qu'en pensez-vous?
J'avais défait ma cravate, il m'examina:
- Ah! Sire, me faire venir de si loin pour un vésicatoire que le dernier des médecins eût pu appliquer aussi bien que moi! Franck extravague. Vous allez à merveille, ce petit accident tient à une éruption mal soignée et ne résistera pas à quatre jours de vésicatoire.
Il ne résista pas, en effet, et ne se reproduisit plus.


Borodino - septembre 1812.



Le général Gourgaud - Jacques Macé - éd Nouveau Monde - 2006 - p.212


Les 5,6 et 7 septembre à Borodino, de nombreux témoins ont signalé la fébrilité, l’anxiété, le manque de détermination de Napoléon qui se limita à jeter des masses humaines à l’assaut des redoutes russes sans se livrer aux brillantes manœuvres tactiques qui avaient valu le succès de ses précédentes campagnes.
[…]
Mestivier certifie et signe le 24 janvier 1825 une copie du « bulletin de la santé de Napoléon dans la nuit du 6 au 7 septembre 1812, tel que je l’ai retrouvé dans mes papiers » :

« 5 septembre.
L’Empereur m’a fait appeler ce soir « Eh bien, docteur, m’a-t-il dit, vous le voyez, je me fais vieux, mes jambes enflent, j’urine à peine ; c’est sans doute l’humidité de ces bivouacs, car je ne vis que par la peau. »
Nuit du 6 au 7 septembre.
L’Empereur est dans l’état suivant : toux continuelle et sèche, respiration difficile et entrecoupée. L’urine ne sortant que goutte à goutte est bourbeuse et sédimenteuse. Le bas des jambes et les pieds extrêmement oedématiés. Le pouls serré, fébrile et irrégulier.
Ces symptômes graves font craindre une disposition à une maladie organique. »


Plus circonspect, Yvan remet à Ségur deux notes de sa main mais non signées. Dans la première, il écrit :

« L’Empereur était très accessible à l’influence atmosphérique. Il fallait chez lui pour que l’équilibre se conserve que la peau remplit toujours ses fonctions. Dès que son tissu était serré, par une cause morale ou atmosphérique, l’appareil d’irritation se manifestait avec une influence plus ou moins grave et de la toux, et l’ischurie se prononçait avec violence. Tous ces accidents cédaient au rétablissement des fonctions de la peau.
Dans la journée du 5 au 6, il fut tourmenté par le vent de l’équinoxe, les brouillards, la pluie et le bivouac. Les accidents furent assez graves pour être obligé de les calmer à la faveur d’une potion qu’on alla chercher dans la nuit à une lieue du champ de bataille. Le trouble fut assez grand pour donner lieu à de la fièvre, et ce ne fut qu’après quelques jours de repos soit à Mojaïsk, soit à Moscou que la toux et l’ischurie cessèrent. »


Ségur lui ayant demandé un complément d’information, Yvan rédige une seconde note :

« La constitution de l’empereur était éminemment nerveuse. Il était soumis aux influences morales et le spasme se partageait ordinairement entre l’estomac et la vessie. Il éprouvait, lorsque l’irritation se portait sur l’estomac, des toux nerveuses qui épuisaient ses forces morales et physiques au point que l’intelligence n’était plus la même chez lui. La vessie partageait ordinairement ce spasme, et alors il se trouvait sous l’influence d’une position fâcheuse et dégradante. Le déplacement à cheval augmentait les souffrances. Il éprouvait l’ensemble de cet accident au moment de la bataille de Mojaïsk au point qu’on fut obligé dans la nuit du 6 au 7 d’envoyer faire préparer une potion par son pharmacien qui était avec les gros bagages à une lieue de distance.»


A Sainte-Hélène.


Voici le premier diagnostic d'Antonmarchi écrit quelques jours après son arrivée à Longwood, lorsqu'il rencontra finalement l'Empereur, le 23 septembre.


"Je me suis rendu auprès de l’empereur. Il reposait sur un lit de campagne, la pièce était éclairée, j’ai pu observer les progrès du mal.
L’oreille était dure, la face terreuse, les yeux livides, la conjonctive d’un rouge mêlé de jaune, le corps entier d’un excessif embonpoint, et la peau très pâle. J’examinai la langue, elle était couverte d’un léger enduit blanchâtre ; les éternuements étaient violents, prolongés, entrecoupés d’une toux sèche, suivie d’une expectoration visqueuse qui variait d’un instant à l’autre.
Les narines étaient cernées, engorgées ; la sécrétion de la salive devenait parfois abondante, et le bas-ventre était un peu dur au toucher. Le pouls petit, mais régulier, donnait environ soixante pulsations par minute. Ces symptômes me parurent inquiétants. J’examinai mieux et m’aperçus que la `partie du lobe gauche du foie qui correspond à la région épigastrique était comme endurcie, extrêmement douloureuse à la pression. La vésicule du fiel était pleine, résistante, faisait saillie au dehors de l’hypocondre droit, près du cartilage de la troisième fausse côte. Des souffrances vagues se faisaient sentir dans les régions costales et lombaires du côté droit ; une douleur plus ou moins vive s’était fixée autour de la mamelle, et Napoléon éprouvait un sentiment de malaise extrême à l’épaule droite. Sa respiration devenait plus difficile lorsqu’on exerçait une pression perpendiculaire au scrobicule du cœur. Il se plaignait aussi d’une douleur d’intensité variable qui affectait depuis longtemps l’hypocondre droit. Elle était interne ; il cherchait à en préciser le lieu, il disait qu’elle était à deux pouces de profondeur. Il était depuis quelques jours sans appétit. Il avait des nausées, des vomissements. Il rendait des amas de matières tantôt âcres, tantôt bilieuses. Les urines, quoique fréquentes, étaient naturelles. D’abondantes sueurs avaient lieu chaque jour."

Merci à Diana.


Du 1r avril au 5 mai.


Bulletins de santé établis par Arnott du 1er Avril au jour de la mort de l'Empereur.


Voici les bulletins du Dr Arnott mais aussi les ordonnances sous leurs formules latines rédigées elles aussi par le docteur Arnott. Voici la liste des médicaments que le praticien anglais a ordonnés, elle figure à la suite des bulletins et des constatations médicales sur l'évolution de la maladie de Napoléon, jour après jour du 1 avril à l'issue finale.


2 avril
Prescriptions : R/ Aloe ,spicatoe extracti
Saponis duri 3 p.
Ol.carvi q.s
M.f.massain pilulas XV dividendus.
Sumat unam mane et vespere.vel pro re nata
Habeat enema statum.


5 avril
Prescriptions : R/.Decocti curahoroe 3 XIV
Tincturoe ejusdem àà
Tincturoe cardamomi compsitae 3, 1
Mf Haustus ter in die susmendus.


6 avril
Prescriptions : Contr piluloe et haustus,nec non habeat enema vespere si opus sit .

8 avril
Prescriptions : Pilules d'aloès composées selon la formule de la pharmacie de Londres ,pro re nata ,au lieu de celles prescrites le 2

9 avril
Prescriptions : Contr omnia medica .

10 avril, Napoléon en plaçant la main au côté droit dit "le foie ".

11 avril, il dit éprouver une sensation de chaleur au foie.
Prescriptions : J'ai prescrit six minimes de Tinct .Opii et Sptus Lavind.comp.3p

12 avril, Napoléon demande "comment on mourait de faiblesse, et combien de temps on pouvait vivre en mangeant aussi peu qu'il le fait ? "

13 avril : son ventre était tendu comme un "tamburo"

14 avril : On me dit qu'il a pris plus de nourriture ce matin.

15 avril : Il a pris quelques nourriture, et une potion tonique, qui lui est restée sur l'estomac.
Il se plaint de son foie.
Prescriptions : Contr remedia ut anter.

16 avril
Prescriptions : Je lui recommande de prendre quelque médecine apéritive ou un enema quam primun

17 avril: il a pris ce matin une potion tonique. A 5h du soir, il a exprimé le désir de manger d'une sorte de hachis ; je lui ai permis ainsi qu'un peu de vin, s'il en veut.

18 avril Il a mangé un peu de hachis hier soir vers 6 heures et il a bu ensuite une cuillerée de bordeaux, avec deux cuillères d'eau. A 8 heures on lui a donné une potion tonique. Pendant ma visite il goûte d'un potage au vermicelle, mais il le rend immédiatement
Il se plaint d'une sensation de chaleur à l'hypocondre droit, et il dit que c'est le "fégato"

19 avril : Il a pris quelque nourriture en ma présence avec assez d'appétit.
Il se plaint beaucoup d'une douleur et d'une chaleur au scrubicule du coeur.
Prescriptions : Contr omnia ut anter

20 avril ; Il a pris un peu de nourriture ce matin.
Prescriptions : Contr omnia ut anter

22 avril : Ce matin, après l'absorption d'un peu de soupe, il a vomi encore davantage ; il a rendu les aliments d'hier, non digérés.
Il dit à présent que l'estomac est le siège de tout son mal. Il éprouvait ce matin une sensation de chaleur et de sécheresse.
Prescriptions : R/ .Magnésioe sulphatis 3 v.j.
Solve in aqua 3 v.j.
Adde infus.gentianoe3 V.J
Tincturoe compositoe ejusdem 3 ss.
M.f.mixtura,cujus sumat cochlearia duo ampla omne mane .


23 avril
Prescriptions : Contr Mixtura

24 avril : Il a mangé quelque chose de léger à 7h du soir, mais l'a rendu presque aussitôt
Prescriptions : Contr ut anter

25 avril: Il a eu à 4 heures de l'après midi un accès de vomissement, au cours duquel il a rejeté tous les aliments de la journée.
Prescriptions : Repetr omnia remedia ut heri

27 avril
Prescriptions : Habeat enema statum,nec non applictr emplastrum cumini ad regionem epigastricam

26 avril, Il s'est plaint de son estomac et de son foie. Il m'a demandé -question qu'il m'avait déjà posée hier - quelle était à mon avis sa maladie. Je lui ai répondu que je l'imaginais dans les organes digestifs.

29 avril
La nuit dernière il a arraché l'Emp.cumini.
Prescriptions : R/ Aquae menthoe Sativa 3 iss,
Potassoe subcarbonatis € i
Succi Lim.Recentis q .s.ad saturand.
Tinturoe colomboe minima XXX
Opii minima V
Misce ut fiat haustus 6ta quaque hora sumendus.


30 avril : il prend peu de nourriture

3 mai
J'ai conseillé le calomel, Antommarchi a encore fait des objections, cependant nous avons tenu une consultation avec les docteurs Shortt et Mitchelle, et, sur nos explications, ils ont opiné aussi pour le calomel, dont 10 grains ont été administrés, à 6 heures du soir.

4 mai
Prescriptions : Pour diminuer son hoquet nous lui donnons : Tincturoe opii minima et Sptus oether Vit 3 p

5 mai : il avait pris hier une bonne quantité de nourriture.....
Pour tout essayer, et bien qu'il fût mourant, on lui a mis des sinapismes aux pieds, des vésicatoires aux jambes et au sternum. Ni sinapismes ni vésicatoires n'ont eu d'effet, et tous les symptômes se sont aggravés jusqu'à 5 heures 45 minutes du soir, moment où il a expiré.

Merci à BBea.



Juste une petite idée des poids en usage en médecine en commençant par le plus petit :

Le Grain dont l’une des références était le poids d’un grain d’orge de moyenne grosseur. Environ 0,05gr.
Le Scrupule (celui qui ressemble a un € renversé) pèse 24 grains.
L’Obole valant 1/6 de drachme (env. 0,72 g.)

Le Dragme, Drachme ou Gros, contient trois Scrupules ou 72 grains.
L’Once composé de 8 Gros ou 576 grains. représentée par ce qui ressemble à deux 3 superposés.
La Livre variant de 12 à 16 onces.

Sauf le grain les autres mesures pouvaient se diviser en moitiés.

La plupart des médicaments prescrits par Arnott sont des décoctions, teintures, tisanes, pilules à bases de plantes spécialement reconnues pour être favorables aux troubles de estomac, du foie, des intestins (ces plantes sont encore employées de nos jours en décoctions ou tisanes et également en cuisine), certaines sont aussi diurétiques et calmantes pour les reins.
Les énemas et les cataplasmes à base de cumin pour calmer les coliques et les ballonnements. Parmi les médicaments cités, en plus des plantes, il y a également une administration de bicarbonate de potassium, de teinture d’opium et le 4 mai non seulement de l’opium mais également de l’éther pour calmer le hoquet.

Le calomel qui lui sera fatal fut mélangé avec l'acide prussique contenu dans es amandes amères mélangé au jus d'orange que Napoléon boira.

Les noms en latin désignent non seulement des plantes employées pour les divers médicaments mais aussi la manière de les administrer. Le latin était, jusqu'il n'y a pas si longtemps, employés pour désigner les ingrédients que les pharmaciens devaient mettre dans les préparations des remèdes, sans oublier que l'étude du grec et du latin était obligatoire pour les étudiants en médecine.

Diana


La maigreur de Napoléon.

Journal de Hudson Lowe.


Journée du 9 Avril 1821 -

"- J'ai demandé comment on allait à Longwood. Antommarchi m'a répondu, en paraissant vouloir éviter de prononcer le nom du Général Bonaparte: "Il va un peu mieux aujourd'hui". Sa fièvre, m'a-t-il appris ensuite, était moindre; il avait pu se lever avant-hier, et pendant une demi-heure environ, était resté assis dans un fauteuil, auprès de son lit. Hier aussi pendant quelques instants, mais ce matin il était couché; quant à lui, Antommarchi avait quitté Longwood. A son avis si le général Bonaparte sortait victorieux de la fièvre, ce serait grâce à la nature et non par l'éffet des remèdes. C'était une "fièvre pernitieuse". Je l'ai prié de préciser: "une fièvre gastrique et pituitaire" a -t-il déclaré. Je l'ai questionné encore:
"Le général Bonaparte ne prenait-il pas de médecines ?
- Si ,il en a pris quelques-unes,récemment.
- Mangeait-il?
- Oui, de la gelée de viande, de l'arrow-root et du pain".
J'ai fait la remarque que c'étaient là des aliments trés nourrissants.
"Sans doute, mais ses forces sont absoluments épuisées. Il a beaucoup maigri, il est émacié.
- De corps?
- Des membres, du buste, mais pas autant du ventre. Celui-ci ne semble pas fort diminué parce qu'il est gonflé d'air; il est quelquefois dur comme la peau d'un tambour"
Antommarchi a terminé en me disant que le malade vomissait souvent, que tous ses organes étaient dérangés et n'accomplissaient plus leur fonction, que les intestins étaient dans un pire état et devaient être stimulés par des lavements fréquents. Enfin que le mal n'était pas confiné à un endroit spécial, comme le foie par exemple, mais que c'était un mal général."

Merci à BBea53



MÉMOIRES DU DOCTEUR F. ANTONMARCHI - Les derniers momens (sic) de Napoléon - Tome II CHEZ BARROIS L’AÎNÉ, LIBRAIRE - PARIS 1825


"Napoléon avait destiné ses cheveux aux divers membres de sa famille; on le rasait, je vérifiai quelques remarques que j’avais déjà faites ; voici les principales :

1º L’empereur avait considérablement maigri, depuis mon arrivée à Sainte-Hélène ; il n’était pas en volume le quart de ce qu’il était auparavant."...

Merci à Diana.



Mameluck Ali - Souvenirs sur l'Empereur Napoléon – Arléa 2000 – p 259


L'Empereur, étant resté quinze ou vingt jours sans se faire la barbe, voulut se raser. C'était la première fois depuis qu'il était alité. Quoique peu commodément dans son lit pour faire une telle besogne, il y parvint en s'armant de courage. Pour lui donner le jour nécessaire, on avait roulé le lit au milieu de la chambre afin qu'il pût se raser comme il en avait l'habitude. Dès que la barbe fut faite, je remarquai que la figure de l'Empereur n'était plus ce qu'elle avait été quinze ou vingt jours auparavant; elle était très altérée et fort amaigrie. Peu de temps avait suffi pour le changer considérablement. Ce n'était plus le même homme. Ses membres aussi avaient perdu de leur rondeur; ses cuisses étaient diminuées d'un bon tiers, ses mollets fondus, ses mains étaient moins potelées et ses doigts plus effilés. Ses mains étaient de fort belles mains de femme.


Napoléon à Montholon - Sainte-Hélène - la mort de l'Empereur, Octave Aubry (p 200)


Le 8 avril 1821, Napoléon disait en riant à Montholon:
- Le diable a mangé mes mollets.



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