Chronologie: l'Empire est mort.

En France, l'heure de la vengeance.


Les brigands impériaux.


Drôle de titre, mais ce fut le drame pour les hommes et femmes fidèles à NAPOLEON: les demi-soldes.
Une phrase de l'empereur, peut résumer cela: "Si je n'avais eu que de pareils serviteurs, les aurais donnés pour modèle au monde entier".
Après la seconde abdication de Napoléon, on ne voit sur les routes que les restes de l'armée impériale démobilisée. Ils regagnent leurs foyers vêtus de restes d'uniformes. Ils sont sans argent, leur solde en retard ne leur a pas été payée, ils sont sans métier, ils n'ont appris que celui des armes. Ceux qui étaient fêtés sont aujourd'hui repoussés, insultés, honnis, ce sont les "brigands de la Loire", "les suppôts de l'usurpateur". Les gendarmes les guettent et les insultent, les maisons se ferment sur leur passage.
Ils ont un signe pour se reconnaître entre eux: une sorte d'uniforme civil, un chapeau bolivar, un long manteau (redingote) pincé à la taille, de couleur verte ou bleue, une grosse canne plombée et spiralée.
Ils ne survivent que grâce à son souvenir.
Lui, sur son rocher perdu, qui souffre plus qu'eux.
Ils se racontent encore et encore et toujours leurs campagnes.
La police leur mène la vie dure, toute parole équivoque ne leur amène que réprimande. "Il s'agit d'en finir avec les brigands impériaux». La terreur blanche qui ne prendra fin qu'en septembre 1816 sur ordre du roi, multiplie ses victimes de la politique et de la haine: Le maréchal NEY, les généraux LABEDOYERE, MOUTON, DUVERNET, CHARTRAND et bien d'autres anonymes. Le maréchal BRUNE: assassiné, le général RAMEL: assassiné, 13 anciens mamelouks sont massacrés en criant vive l'empereur et sont jetés dans un tombereau rempli de cadavres sur lequel flotte un drapeau blanc.
Certains s'expatrient. Ils vont en Belgique, en Rhénanie, à Cologne, à Mayence, en Hongrie, en Turquie, en Perse et même en Amérique où certains organisent une colonie au Texas: "LA COLONIE MILITAIRE DU CHAMP D'ASILE. Le camp porte le nom de "Aigle", les villes et les rues ont des noms de batailles: "Austerlitz, Eylau, Wagram, etc Ils sont plus de trois cents à vivre ainsi. Mais les maladies et les sauvages nuiront à tous leurs espoirs en quelques mois. Certains sont autorisés à revenir en France mais ils vivront surveillés, sans pension ni solde.
A la mort de l'empereur certains le croient toujours en vie et ainsi jusqu'à leur mort. Mais pour tous il y a cette chose invisible et pourtant si réelle, ce fantôme disparu, et qu'ils nomment tour à tour, "IL, LUI, L'ENFONCEUR, LA VICTOIRE, LE p’tit TONDU, LA VIOLETTE, JEAN DE L'EPEE, L'AMANTE, LA MAMAN, LE PERE, LE MONDE, DIEU.

Merci à Fulub.



1815 - 1816.
Les Espoirs de Napoléon à Sainte-Hélène - Médecin Général R.Brice - BN - Payot, Paris, 1938 - p131-132.

Les Bourbons ne parvenaient à s'imposer que par la présence des troupes alliées. Les ultras terrorisaient l'opposition libérale et massacraient les partisans de l'Empire. Diverses lois, votées par une assemblée de sectaires, avaient accordé au gouvernement royal des pouvoirs excessifs. Il avait le droit de détenir sans jugement quiconque serait accusé d'avoir manqué à la personne du souverain ou d'avoir contesté son autorité. Le simple soupçon d'être défavorable au régime entraînait l'envoi dans un lieu de bannissement. Une loi relative aux discours et aux écrits séditieux frappait leurs auteurs de peines afflictives et infamantes sans préjudice des amendes qui s'élevaient à des chiffres considérables. Prononcer le nom de l'Usurpateur était un acte de rébellion; arborer le drapeau tricolore était un crime que certains députés fanatiques avaient estimé devoir punir de mort. L'institution des cours prévôtales développa les excès des terroristes. Une simple allusion au passé, une imputation sans fondement suffisaient à faire destituer les fonctionnaires ou à faire reléguer dans de lointains départements les anciens soldats de l'armée impériale. Des passions personnelles se dissimulèrent sous le zèle royaliste. Ceux à qui on voulait nuire ou dont on désirait la place étaient dénoncés comme ennemis du régime. Soixante-dix mille personnes furent arrêtées de novembre 1815 à septembre 1816. La place manqua dans les prisons. Un ouragan de représailles balayait toute justice. Des primes furent accordées aux agents qui arrêtaient les propagateurs d'idées factieuses ou les colporteurs de libelles. Dans le département de la Côte D'Or le préfet fit abattre les arbres de la Liberté; dans un autre, il présida en personne à un autodafé où on brûla les souvenirs de l'époque exécrable. Il y eut près de cent mille destitutions. Les plus hauts fonctionnaires et jusqu'à des employés infimes comme des conducteurs de diligence en furent victimes. Dans la Sarthe, par exemple, le préfet révoqua six cent vingt-deux maires. Les journaux louangeaient ces mesures de rigueur qu'ils qualifiaient d'épuration nécessaire et publiaient à plaisir les comptes rendus des procès où le crime d'avoir déserté les Bourbons, médit des Bourbons ou songé à comploter contre les Bourbons était invariablement puni de mort.

A la persécution royaliste s'ajoutaient les causes d'un mécontentement général. En 1816 le peuple ne mangeait pas à sa faim. L'occupation du territoire par les troupes des Alliés avait privé les campagnes de leurs ressources habituelles. L'abatage d'une énorme quantité de bétail, les réquisitions qui enlevèrent jusqu'aux grains de semence, les pillages, les impositions en argent avaient ruiné les paysans. Les pluies torrentielles du printemps et de l'été de 1816 détruisirent la majeure partie des récoltes. Il y eut disette de céréales. La vendange fut à peu près nulle et la qualité du vin des plus médiocres. Des manifestations éclatèrent sur les marchés. Leur répression fut brutale, voire même sanglante. La justice intervint. Des condamnations à mort furent prononcées par les Cours d'assises asservies au pouvoir. Pour mater le peuple qui osait se plaindre, le gouvernement feignit d'ignorer la cause de sa rébellion. On n'avait pas le droit d'avoir faim sous le règne béni de la Légitimité.


Juillet 1816.
SOUVENIRS D’UN OFFICIER LA GRANDE ARMÉE Publiés par MAURICE BARRÈS, SON PETIT–FILS - Éditions Tallandier, 2004 - P 169


Mes fonctions de commandant de place m’assujettissaient à bien des occupations puériles, à des courses de nuit, à des enquêtes préparatoires, à des appels fréquents chez le général et le préfet. Ces messieurs voyaient partout des complots, des conspirations, des boutons à l’aigle, des cocardes tricolores, des signes de rébellion. C’était à qui montrerait le plus de zèle et de dévouement pour la bonne cause. Un dimanche du mois de juillet 1816, le préfet, pour célébrer l’anniversaire de la rentrée des Bourbons à Paris, fit apporter, sur la plus grande place du Puy, tout le papier timbré à l’effigie impériale, les sceaux des communes de la République et de l’Empire, et un magnifique buste colossal en marbre blanc d’Italie de l’empereur Napoléon, chef-d’œuvre du célèbre statuaire Julien, qui l’avait offert lui-même à ses ingrats et barbares compatriotes. Tout cela fut brûlé, mutilé, brisé, en présence de la troupe et de la garde nationale sous les armes, des autorités civiles, militaires, judiciaires, au bruit du canon, aux cris sauvages de « Vive le roi ! ». Cet acte de vandalisme me brisa le cœur.


En Angleterre


1815 - 1816.
Les Espoirs de Napoléon à Sainte-Hélène - Médecin Général R.Brice - BN - Payot, Paris, 1938 - p135.

En Angleterre la situation n'était pas sensiblement meilleure. La victoire n'avait pas apporté la félicité. Le peuple y était du reste peu sensible. Jamais le patriotisme n'avait fanatisé les esprits; les guerres s'étaient déroulées au loin, sur le continent. Les troupes étaient en grande partie composées de mercenaires étrangers. Peu de gentilshommes campagnards et de membres de la haute aristocratie avaient figuré sur les champs de bataille. La noblesse s'était surtout intéressée à l'exploitation intensive de ses terres dont elle tirait des bénéfices considérables. Elle avait fait fortune.

Après Waterloo, les visages s'allongèrent. Les importations ayant repris leurs proportions normales, le prix du blé baissa. La mauvaise récolte de 1816 fit remonter les cours sans rémunérer la culture. Les industriels se virent dans l'obligation de relever les salaires; dès lors ils fabriquèrent à perte. Beaucoup fermèrent leurs usines. Pressé entre les propriétaires campagnards dans la gêne et les manufacturiers dont les affaires périclitaient, le prolétariat des paysans et des ouvriers connut de tristes jours. Le chômage engendra la misère et ses privations. Des mutineries éclatèrent de tous côtés. Selon l'illogisme particulier aux foules, les manifestants détruisirent des usines, ce qui multiplia le chômage et accrut la pauvreté. Les villes que le brusque essor de l'industrie pendant le blocus avaient surpeuplées se trouvaient en perpétuelle effervescence. Le gouvernement tory de Lord Liverpool se raidissait dans son orgueil et feignait de ne pas voir le danger; il s'opposa à des réformes qui auraient amendé la situation. Les esprits se surexcitèrent. Des orateurs qui discouraient en pleine rue excitèrent les ouvriers à la révolte et provoquèrent des bagarres. La troupe intervint, tira et tua.



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