Post-Mortem: L'Empereur revient en France.



... Sur la fin de l'après-midi de ce jour, au quai de Jamestown, sous le Pavillon Tricolore, le prince de Joinville, grave, mûri, ému, à la tête des états-majors de ses navires peints en noir dont, depuis le matin les pavillons sont en berne et les vergues en pantenne, attend le souverain mort que l'on rend à la France. Le vieux gouverneur Midlemore fait la remise du corps de Napoléon au fils de Louis-Philippe. Ce geste met fin à la "Garde" britannique. Napoléon est délivré!
On descendit le cercueil dans la chaloupe. Le pavillon en soie aux trois couleurs figurant le pavillon Impérial fut hissé. Aussitôt, de la Frégate, de la corvette et du brick, partit à un très court intervalle,une triple salve, en feu de file, de toute l'Artillerie; on eut dit le bouquet d'un feu d'artifice. Vingt et un coups de canon retentirent au même instant dans les forts.
La chaloupe s'avançait avec une lenteur majestueuse. Un profond silence en signe de respect ne cessait de régner. A la voix ou plutôt au geste du Prince, on entendait de loin en loin un seul bruit d'avirons qui communiquaient un faible mouvement à ce nouveau cortège.



8 décembre 1840 transbordement du corps de Napoléon à Cherbourg de la frégate la Belle-Poule sur la Normandie.
Transporté par la Normandie de Cherbourg au Havre, le corps de Napoléon s'est avancé à petites étapes vers Paris sur l'un des bateaux plats de la Seine, la Dorade.
14 décembre au matin le sarcophage, transbordé sur une nef de parade longue de 24 mètres surmontée d'un temple funèbre en boiseries bronzées, a continué sa marche triomphale, précédé d'un bateau de musiciens et suivi à la course, sur les deux rives, par d'innombrables cavaliers jusqu'au débarcadère de Courbevoie, où avaient été élevés une colonne réostrale et un temple grec .


Alors le canon des Invalides a annoncé que Napoléon était arrivé aux portes de Paris. "L'Empereur est à Courbevoie" Le cri est répété dans toute la Capitale. Des vétérans en uniforme se sont mis en marche vers Neuilly et les premiers reçus sur le bateau Impérial ont trouvé, agenouillé devant le cercueil, un maréchal de France, président du Conseil des ministres, le vieux Soult.



A 9 heures du matin, par un froid terrible, le cortège composé à Courbevoie s'ébranle, tandis qu'aux salves de l'artillerie de Neuilly répondent les salves des Invalides et qu'avec le bourdon de Notre-Dame sonnent toutes les cloches de la ville.

Sur le pont de la Concorde se trouvent alignés, en une double haie de médiocres silhouettes: la Prudence,la Force, la Justice, l'Agriculture, l'Éloquence, les Beaux-Arts et le Commerce. Aux deux bouts du pont, des mâts avec Aigles et bannières.

Devant les Invalides, l'histoire se substitue aux symboles. Des deux côtés de l'esplanade se dressent des figurent historiques. La foule est animée, bruyante, houleuse, émue aussi, mais d'une émotion sans tristesse. Ce n'est pas un jour de deuil pour Paris. C'est un jour de fête. Le peuple qui a le sens des désignations exactes l'a dit: "c'est la fête des Cendres."
"Les quatre-vingt mille hommes, a constaté la duchesse d'Albuféra, donnaient l'aspect d'une revue plus que d'un enterrement"



Le roi Louis-Philippe s'est rendu au devant de Joinville. Le prince salue du sabre, simplement. Il ignore que l'on a arrêté en Conseil des Ministres les paroles historiques qui doivent être à ce moment échangées entre son père et lui. On a négligé de lui communiquer les mots de son rôle et il reste court. Louis-Philippe après une hésitation, improvise une phrase de circonstance. On arrangera cela pour le Moniteur et le lendemain, le public apprendra qu'à Joinville lui disant: "Sire, je vous présente le corps de l'Empereur Napoléon", le roi a répondu: "Je le reçois au nom de la France".
Il y eu encore la scène de la remise de l'épée d'Austerlitz par le roi Louis-Philippe. L'aide de camp Athalin portait l'arme sur un coussin. Il la remit d'abord au général Soult, président du Conseil, qui la présenta au Général Bertrand. Mais le vieillard chancelait de fatigue et d'émotion et Gourgaud dut faire le geste à sa place. Le journal bonapartiste le Commerce notera avec satisfaction que le roi évita de toucher lui-même l'épée de l'Empereur. On déposa aussi sur le cercueil le chapeau d'Eylau et une croix de la Légion d'Honneur.
Le sarcophage placé sous son dais, la Cérémonie religieuse commença. A 3 heures et demie,la cérémonie prend fin. Depuis longtemps l'énorme foule du dehors s'est disloquée en un remous formidable et dispersée vers les faubourgs, où des jeunes gens remontent en chantant "la Marseillaise".

La journée Impériale du 15 décembre 1840 est terminée .





Les images en noir et blanc ont été publiées en février 1841 dans le "magasin Pittoresque ".
Pour le reste c'est un texte à l'occasion du centenaire, écrit par Albéric Chuquet et publié en Décembre 1940 (Illustration -lithos V.Adam)


Merci à BBea53.



Le retour en terre de France - Paris, le 15 décembre



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