On peut toujours ouvrir un nouveau sujet. Je vous laisse le soin de vous en charger.duc de Raguse a écrit :Oui, mais cela nous fait dévier du sujet initial, non ?

duc de Raguse a écrit :Oui, tout à fait, je ne me suis pas relu...
Les lapsus sont paraît-il significatifs, mais de quoi ?

duc de Raguse a écrit :Je ne pense pas, un changement de régime ne modifie pas la morale douteuse d'un homme.
Les termes "général obscur" ne concernent pas vraiment la moralité de Moreau, mais sa notoriété. Je ne sais pas vraiment si Moreau était en 1796-1797 un général obscur. En 1804, en tout cas, il ne l'était plus. La victoire de Hohenlinden, la dernière grande victoire française à ce moment-là (il ne faudrait pas l'oublier), avait attiré sur lui les regards. En ajoutant à cela une conviction (ou une posture ?) républicaine, il était devenu pour certains un symbole qui dérangeait Napoléon. Le fait qu'il soit impliqué dans la conjuration de Cadoudal était une aubaine pour le pouvoir. Dans le même procès, il pouvait condamner les deux oppositions les plus dangereuses : les royalistes et les républicains. Toutefois, ce beau plan se solde par un échec dès le moment où la condamnation de Moreau n'est plus que de pure forme. Si donc Moreau avait encore été en 1804 un général obscur, le faire figurer parmi les accusés (et les condamnés) ne présentait guère d'intérêt. Le pouvoir avait besoin d'une condamnation conjointe des oppositions afin de légitimer la proclamation de l'empire.
"Qui vole un oeuf vole un boeuf" ? Quand la justice commence à fonder son intime conviction sur de tels a-priori, les erreurs judiciaires, la tyrannie et l'arbitraire ne sont pas loin.duc de Raguse a écrit :Peut-être, mais Moreau traine tout de même quelques complots potentiels derrière lui. Est-il à un près ?
Voici ce qu'écrivait le juriste Daniel Jousse en 1771 dans son Traité de la justice criminelle :
En principe, à l'époque de Napoléon, nous ne sommes plus dans cette configuration de la justice, mais dans le système de l'Etat de droit où l'inculpé ne peut être condamné que si on a établi sa culpabilité. Ce changement est d'ailleurs considéré généralement (peut-être à tort ?)comme un des apports majeurs de l'oeuvre législative de Napoléon.S'il est arrivé dans quelques occasions qu'on ait condamné quelqu'un injustement, il arrive aussi très souvent que des personnes innocentes d'un crime dont elles sont accusées, sont punies jusement et subissent légitimement la peine de mort qu'elles ont méritée d'ailleurs, étant coupables d'autres crimes pour lesquels la Justice Divine les amène par un autre chemin à la peine qu'elles méritent.
Cité d'après Michel Porret, Beccaria. Le droit de punir, Paris, 2003.
Cela n'a rien de criminel et ne justifie aucunement une condamnation à mort. Si ces innocentes facéties ont joué un rôle important dans le souhait de Napoléon de voir Moreau condamné à mort, on pourrait en venir à penser que le régime napoléonien était bien la dictature brutale que certains se plaisent parfois à décrire. Mais je ne le pense pas. Des hommes comme Lannes, Augereau ou Masséna ont eux aussi parfois formulé ouvertement des critiques contre le régime impérial sans être pour autant traîné devant un tribunal. Pour eux, Napoléon s'est contenté de se venger par des vexations et des brimades plus ou moins légères.duc de Raguse a écrit :Qui plus est, il villipendait souvent Napoléon en société et se moquait ouvertement de la création récente de la légion d'honneur. Il aurait, en comparaison, délivré à son cuisinier la "casserole d'honneur".
Encore un crime capital, assurément ! Germaine de Staël qui avait eu l'audace de lui dire ce qu'il a fini par penser lui-même (à savoir que Joséphine n'était pas l'épouse qui lui convenait) a été justement punie par un exil elle aussi.duc de Raguse a écrit :Par ailleurs, sa femme détestait Joséphine, originaire des Antilles comme elle.

Surtout un mélange de nature à faire exploser Napoléon qui ne faisait pas toujours la part entre intérêts de la France et rancoeurs personnelles.duc de Raguse a écrit :Un mélange bien explosif !
Quinze années de quête frénétique d'une légitimité introuvable. Si on examine en dehors de tout esprit polémique la question, on ne peut que constater que le problème de la légitimité du régime napoléonien a pesé lourdement sur sa politique. Même le procès Cadoudal/Moreau a été influencé par cette question. En 1812, l'affaire Malet a mis en lumière que tous les efforts déployés pour installer le régime dans la durée avaient été vains. La chute de 1814 dès le moment où les succès militaires n'étaient plus là pour assurer la survie du régime a confirmé que le problème était bien réel. Et le problème a encore ressurgi en 1815 quand Napoléon lui-même a renoncé à appuyer son pouvoir sur ce peuple qui avait acclamé son retour.duc de Raguse a écrit :Quinze années ce n'est pas trop mal pour quelqu'un d'illégitime !
Posté sur le forum Pour l'Histoire par Frédéric Staps le 08/06/2005 08:55