Dans le feuilleton télévisé, on voit clairement, que s'est Caulaincourt qui est chargé de capturer le Duc d'Enghien. Je sais que ce feuilleton, fait quelques solides concessions à la vérité historique, mais dans mes recherche sur internet on dit bien que c'est lui qui le fit. J'ai même lu qu'après la chute de l'empereur cela lui fut tellement reproché, que cela a probablement précipité son décès.
Mais en allant dernièrement visiter le Panthéon à Paris, et tout spécialement la division réservé à l'empire, j'ai lu que le Général Michel, comte Ordener, fut charger en 1804 de l'enlèvement du Duc d'Enghien.
Débutant, comme je le suis dans la recherche, voici ma première énigme.
Pourriez-vous éclairer ma lanterne ?
Merci d'avance ?
Guy
Posté sur le forum Pour l'Histoire par doubleg57 le 31/10/2004 10:14
Enlevement Duc d'Enghien
- Frédéric Staps
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Voici ce qu'écrit à ce sujet Jean Tulard dans le Dictionnaire Napoléon (notice consacrée à Caulaincourt) :
Posté sur le forum Pour l'Histoire par Frédéric Staps le 31/10/2004 10:33Le 10 mars 1804, se place l'épisode le plus dramatique de sa carrière. Il est envoyé à Strasbourg pour coopérer à l'enlèvement du duc d'Enghien. Tandis qu'Ordener marchera sur Ettenheim, "d'Offenburg, le général Caulaincourt dirigera des patrouilles sur Ettenheim jusqu'à ce qu'il ait appris que le général Ordener a réussi. Ils se prêteront des secours mutuels". Le choix de Caulaincourt, ci-devant marquis, est surprenant. Faut-il croire Chateaubriand qui affirme, dans les Mémoires d'outre-tombe, que Talleyrand avait désigné Caulaincourt pour compromettre ainsi un membre de l'ancienne noblesse ? Caulaincourt ne fut pourtant pour rien dans l'exécution du prince, dont il appris la nouvelle, selon Pasquier, avec le plus grand désespoir. S'il se défendit par la suite contre les attaques qui l'accablèrent, il n'en accepta pas moins les honneurs de l'Empire.
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A propos de l'enlèvement et de l'exécution du duc d'Enghien, voici ce qu'on peut lire dans les mémoires de Fouché :
Posté sur le forum Pour l'Histoire par Frédéric Staps le 13/11/2004 15:33
Il n'est pas aisé d'interpréter ce texte. Ces mémoires passent pour apocryphes. Ils ne le seraient pas qu'ils pourraient être considérés comme d'une faible crédibilité, car visant à obtenir une réhabilitation en diminuant voire en effaçant les responsabilités de son auteur dans certaines affaires où il aurait été compromis. Cependant, une part des accusations portées contre lui reposent en partie sur les dires de Napoléon qui ne sont pas forcément plus fiables. Qui dit alors la vérité ? Fouché a-t-il tout fait pour éviter l'exécution du duc d'Enghien comme il le prétend ou a-t-il utilisé cette affaire pour s'assurer que Napoléon ne restaurerait pas les Bourbons ? Son comportement en 1815 où il a favorisé leur retour pour la seconde Restauration semble en parfaite contradiction avec l'hypothèse d'une manipulation du premier consul pour le compromettre.J'eus un des premiers connaissances de la mission de Caulaincourt et d'Ordener sur les bords du Rhin; mais quand je sus que le télégraphe venait d'annoncer l'arrestation du prince, et que l'ordre de le transférer de Strasbourg à Paris était donné, je pressentis la catastrophe et je frémis pour la noble victime. Je courus à la Malmaison, où était alors le premier consul; c'était le 29 ventôse (20 mars 1804). J'y arrivai à neuf heures du matin, et je le trouvai agité, se promenant seul dans le parc. Je lui demandai la permission de l'entretenir du grand événement du jour. "Je vois, dit-il, ce qui vous amène; je frappe aujourd'hui un grand coup qui est nécessaire." Je lui représentai alors qu'il souleverait la France et l'Europe, s'il n'administrait pas la preuve irrécusable que le duc conspirait contre sa personne à Etteinheim. "Qu'est-il besoin de preuves ? s'écria-t-il; n'est pas un Bourbon, et de tous le plus dangereux !" J'insistait en exposant des raisons politiques propres à faire taire la raison d'état : ce fut en vain; il finit par me dire avec humeur : "Vous et les vôtres n'avous pas dit cent fois que je finirais par être le Monck de la France, et par rétablir les Bourbons ! eh bien ! il n'y aura plus moyen de reculer. Quelle plus forte garantie puis-je donner à la révolution que vous avez cimentée du sang d'un roi ? Il faut d'ailleurs en finir : je suis environné de complots; il faut imprimer la terreur ou périr." En proférant ces dernières paroles qui ne laissaient plus d'espoir, il s'était rapproché du château; j'y vis arriver M. de Talleyrand, et un instant après, les deux consuls Cambacérès et Lebrun. Je regagnai ma voiture, et rentrai chez moi consterné.
Je sus le lendemain qu'après mon départ on avait tenu conseil et que, dans la nuit, Savary avait procédé à l'exécution du malheureux prince; on citait des circonstances atroces. Savary s'était dédommagé, disait-on, d'avoir manqué sa proie en Normandie, où il s'était flatté d'attirer dans le piège, au moyen des fils de la conspiration de Georges, le duc de Berri et le comte d'Artois, qu'il eut sacrifiés plus volontiers que le duc d'Enghien. Réal m'assura qu'il s'était si peu attendu à l'exécution nocturne, qu'il était parti le matin pour aller chercher le prince à Vincennes, croyant le conduire à la Malmaison, et s'imaginant que le premier consul finirait cette grande affaire d'une manière magnanime. Mais, dit-il, un coup d'état lui parut indispensable pour frapper l'Europe de terreur et pour détruire tous les germes de conspiration contre sa personne.
L'indignation que j'avais prévue éclata de la manière la plus sanglante. Je ne fus pas celui qui osa s'exprimer avec le moins de ménagement sur cet attentat contre le droit des nations et de l'humanité. "C'est plus qu'un crime, dis-je, c'est une faute !" paroles que je rapporte, parce qu'elles ont été répétées et attribuées à d'autres.
Posté sur le forum Pour l'Histoire par Frédéric Staps le 13/11/2004 15:33