Quelques explications sont nécessaires.Jean-Yves a écrit :Napoléon aurait calomnié mme De Staêl devant un large public, et alors ?
Pouvez-vous préciser la nature de ces calomnies ? Estimez-vous que les critiques politiques faites à l'égard de Napoléon sont des calomnies ? Le fait de dédier le roman Delphine à la France silencieuse relève-t-il pour vous de la calomnie ? Est-ce odieux d'affirmer par un roman que la liberté est "le premier bonheur, la seule gloire de l'ordre social" ?Jean-Yves a écrit :Cette dernière ne s'est pas privée de le calomnier, lui, que je sache
Ici, vous reprenez purement et simplement la calomnie de Napoléon. Mme de Staël ne serait devenue une opposante à son régime que parce qu'elle n'était pas parvenue à le séduire. De ce fait, toutes ses critiques sont nulles et non avenues. C'est ça qui est dérangeant dans le procédé.Jean-Yves a écrit :surtout, à partir du moment, où elle s'est aperçue qu'elle n'arriverait pas à le séduire.
La seule source qui parle de ces tentatives de séduction semble bien être Napoléon lui-même. Il utilise le fait que Mme de Staël est une femme pour lui prêter des intentions moralement condamnables. Une honnête femme n'essaie pas de séduire un homme marié. (Soit dit en passant, Napoléon n'aimait pas se laisser séduire par les femmes, même si ça lui est arrivé plusieurs fois, mais il n'aimait pas non plus que les femmes résistent à sa séduction). Il utilise également le fait qu'il a repoussé avec dignité ces avances déshonnêtes pour enfoncer davantage Germaine. Non seulement, c'est une femme immorale, mais en plus elle est ridicule. Elle s'est crue en mesure de pouvoir séduire Napoléon, de s'élever jusqu'à lui, de bouleverser l'ordre naturel des choses en jouant de ses charmes qui ont laissé le grand homme de marbre.Jean-Yves a écrit :Que l'Empereur, agacé par la conduite de Mme Staël, d'abord en tant que séductrice
Qu'en est-il dans la réalité ? Germaine de Staël a-t-elle voulu séduire Napoléon ? D'un point de vue intellectuel, c'est indubitable. Elle aurait bien voulu pouvoir le conseiller, exercer un magistère moral sur le nouveau maître de la France. Elle a échoué. Est-ce répréhensible ? Je ne vois pas en quoi. D'autres ont également voulu pouvoir conseiller Napoléon. Si Napoléon avait fait de Germaine de Staël un de ses ministres, il aurait vraiment été quelqu'un très en avance sur son temps. Mais une telle chose était évidemment impossible.
Germaine de Staël a-t-elle voulu supplanter Joséphine dans le lit de Napoléon ? Ca, c'est la version de Napoléon. Version bien commode qui permet de la discréditer complètement. Ce n'est pas totalement impossible, mais en fait de peu d'importance. De toute façon, à l'époque, c'était à peu près le seul moyen dont disposaient les femmes pour pouvoir faire de la politique.
La calomnie a pour but de masquer les véritables motifs de l'exil. Pour Gérard Gengembre (L'Histoire, n° 124), "elle est triplement bannie : comme républicaine, comme écrivain, comme femme".Jean-Yves a écrit :puis, en tant qu'ennemie de sa politique (ce qui devait la conduire à l'exil)
Voici ce que Napoléon disait à son propos :
Après la publication de son livre Delphine, Napoléon fait ce commentaire :Conseillez-lui de ne pas prétendre à barrer le chemin, quel qu'il soit, où il me plaira de m'engager; sinon, je la romprai, je la briserai.
Je n'aime pas plus les femmes qui se font hommes que les hommes efféminés. Chacun son rôle dans ce monde. Qu'est-ce que ce vagabondage d'imagination ? Qu'en reste-t-il ? Rien. Tout cela, c'est de la métaphysique de sentiment, du désordre d'esprit. Je ne peux souffrir cette femme-là.
Parce que vous considérez que ce n'est pas une calomnie. Mais, même si ce ne l'est pas, attaquer un adversaire politique sur sa vie privée est un procédé assez vil. On prétend généralement qu'il n'a pas cours en France en prenant l'exemple de la fille illégitime de François Mitterand et en opposant cela aux moeurs américaines. Napoléon pour sa part n'hésitait apparemment pas à y avoir recours.Jean-Yves a écrit :calomnia cette dernière devant plusieurs personnes, je ne vois là rien que de très normal.
Cet argument est nul et non avenu. Prétendre que tout le monde est prêt à recourir à la calomnie est absolument faux.Jean-Yves a écrit :Je pense que n'importe qui, devant une telle personne aurait fini par perdre quelque peu son calme.
Vous oubliez les mentalités de l'époque.Jean-Yves a écrit :Il n'y a là, rien de très désobligeant, à mon avis, de la part de l'Empereur.
Je pense que seuls les admirateurs inconditionnels de Napoléon peuvent approuver de tels procédés.Jean-Yves a écrit :Je pense que seuls ces détracteurs peuvent y voir du mal.
Posté sur le forum Pour l'Histoire par Frédéric Staps le 06/01/2004 10:28