Documents: autour du testament.



Conversations de l'Empereur avec le Grand Maréchal, 22-26 avril 1821:



Pendant les dernières semaines qui ont précédé sa mort, la lucidité de son esprit fut Parfaite. "Toute sa force semble être passée de son corps dans sa tête" (Montholon)




Le 22 avril, dimanche, de six à huit heures du soir à la pendule, dans la chambre, auprès de son lit.



Testament.


l'Empereur a dit au grand-maréchal qu'il avait fait trois testaments:

le premier, qui ne devait être ouvert qu'à Paris, qu'on devait dire qu'il avait été porté par Bonavita en Europe, afin de le soustraire aux recherches des Anglais;

le deuxième était un codicille, qui devait être ouvert ici et montré aux Anglais, par lequel l'Empereur disposait de tout ce qu'il avait ici, afin qu'ils ne pussent s'en emparer;

le troisième était destiné pour l'Impératrice; que Marchand était chargé de remettre ces testaments dans le temps et de la manière que l'Empereur lui avait indiqués.

Religion


- Que dans son testament, il déclarait mourir dans la religion, catholique où il était né;
- qu'il désirait qu'avant sa mort l'abbé Vignali lui donnât la communion, l'extrême-onction et tout ce qui était d'usage en pareil cas;
- qu'il lui avait demandé s'il savait bien ce qu'il y avait à faire ,

Sépulture


Qu'il désirait qu'Antommarchi seul ouvrit son corps, ou de concert avec le docteur Arnott, qui l'avait soigné;
qu'on enverrait probablement le docteur Short pour être présent; de veiller à ce qu'on n'insérât pas de bêtise dans le procès verbal ;
qu'il demandait et qu'il nous chargeait de réclamer qu'il fût enterré sur les bords de la Seine, ce pays qu'il avait tant aimé; que; par rives de la Seine, il entendait un point quelconque de la France;
qu'il pensait que les Bourbons n'y verraient point d'inconvénients;
que ce qu'il préférait, c'était d'être enterré au cimetière Lachaise;
qu'on pourrait le placer entre Masséna et Lefebre et qu'on lui élevât au milieu un petit monument, une colonne;
qu'il préférait cela à être enterré à Saint-Denis, au milieu des Bourbons;
que si les Bourbons voulaient s'honorer, ils le placeraient à Saint-Denis, mais qu'il n'auraient pas cet esprit là; ou bien qu'on le plaçât dans une île formée par le Rhône et la Saône prés de Lyon;
qu'enfin on le déposât à Ajaccio, en Corse, que c'était encore la France;
qu'alors on le mit dans la cathédrale, où étaient ses ancêtres,où il avait fait inhumer son oncle Lucien;
qu'il ne pensait pas qu'on laissât son corps à Sainte-Hélène,
qu'il croyait avoir vu que ce cas était prévu; mais que si cela avait lieu, il désirerait qu'on l'enterrât non à Plantation House, mais auprès de la fontaine qui lui avait fourni de l'eau pendant son séjour ici;
que Louis avait fait enlever le corps de son père de Montpellier;
qu'après l'avoir fait transporter à Saint-Leu, il avait vendu cette terre, qu'il n'eut jamais dû le faire, parce que les cendres de son père s'y trouvaient;
que les sœurs de la Charité avaient été obligées de venir les recevoir;
qu'il eût mieux fait de les laisser à Montpellier, où il avait été enterré avec honneur

Faits constatés.


-Qu'il avait constaté dans son testament quelques faits et quelques principes de son gouvernement, par exemple le jugement du Duc d'Enghien;
qu'il l'avait fait périr, non par les raisons politiques que lui avait prêtées le "Manuscrit de Sainte-Hélène, manuscrit qu'il désavouait, mais parce qu'il y avait à Paris une conspiration de soixante assassins envoyés par les Bourbons;
qu'il l'avait fait saisir par un sentiment de Justice et de dignité nationale; qu'il en avait le droit;
et qu'aujourd'hui, sur les bords de la tombe, il ne s'en repentait point et qu'il le ferait encore

Oligarchie Anglaise


Qu'il mourrait assassiné par l'oligarchie anglaise et son sicaire;
qu'il espérait que le peuple anglais vengerait bientôt sa mort;
qu'il avait été tué d'abord par le climat, ensuite à coups d'épingles, enfin par défaut d'exercice;
qu'on n'avait retiré les sentinelles et qu'on ne lui avait permis de prendre l'air que quand il n'était plus en état de sortir;
que sans doute l'oligarchie répondrait, qu'elle publierait des pièces;
qu'il demandait que nous répondissions;
que nous avions à dire d'abord qu'il y avait deux correspondances, une ostensible, l'autre secrète;
qu'ensuite, il y avait les insinuations.

Exécuteurs testamentaires


Qu'il avait nommé ses exécuteurs testamentaires le grand-maréchal, le général Montholon et Marchand;
qu'il devait cela à l'attachement que Montholon lui avait montré depuis six ans;
que Montholon ne lui devait rien et qu'il avait perdu 300 000 francs de sa fortune par son séjour ici;
qu'il espérait que le grand -maréchal se serrerait à Montholon;
qu'il voulait élever Marchand;
qu'il pensait que tous les souverains y étaient intéressés;
qu'il le traitait grandement;
qu'il le mettait en état d'avoir plus de domestiques qu'il n'en avait lui-même;
que Marchand avait déjà une terre en Bourgogne;
qu'il ne devait pas dissiper ce qu'il lui donnait, mais établir une fortune solide;
que sa grande fortune lui donnerait de la considération;
que Gourville était un exemple que les serviteurs fidèles pouvaient figurer dans les premiers rangs de la société;
que cependant La Rochefoucauld n'avait été qu'un particulier;
qu'il espérait que nous le protégions, que nous l'aiderions de nos conseils.

Son fils


Qu'il chargeait le grand-maréchal de remettre ses armes à son fils, lorsqu'il aurait seize ans;
qu'il ne pouvait lui laisser rien de plus précieux;
qu'il fallait les garder, jusqu'à ce qu'il eût atteint l'âge de seize ans, qu'autrement, ce serait les donner à l'Autriche;
que le poignard qu'il avait pris à Malte, qui avait été donné par le Pape au grand maître Valette, après la défense de Malte;
qu'il fallait bien soigner ses armes et surtout les pistolets, de crainte que la rouille ne s'y mît;
qu'il regrettait de n'avoir plus sa carabine, qu'il l’avait donnée au roi de Wurtemberg, qu'il n'en avait pas fait d'autre;
que Caulincourt doit avoir le beau sabre où se trouve son portrait, qu'il serait bien aise qu'il l'offrit à son fils;
qu'il désirait que son fils ne portât jamais les armes contre la France;
qu'il avait chargé Marchand de lui remettre son argenterie, de lui remettre ses plaques, les effets à son usage, ses nécessaires, un de chaque espèces de ses habillements, une douzaine de chemises et de chaque espèce de linge à son usage;
qu'il avait chargé Ali de lui porter quatre cents volumes, de ceux qui étaient le plus à son usage;
Noverraz de lui porter ses fusils de chasse; le maître d'hôtel sa porcelaine;
l'officier les petits tableaux qui étaient sur la cheminée;
qu'il avait réparti ses divers objets entre diverses personnes pour donner des gages de sa satisfaction à ceux qui l'avaient bien servi;
et aussi pour qu'en cas de mort ou d'évènement survenu, tout ne fût pas perdu.
Que Turenne devait avoir ses grands costumes, son collier de l'ordre, qu'il devait les porter à son fils;
que ces souvenirs lui seront précieux;
qu'il léguait un million au grand-maréchal:
qu'il traitait de même Montholon.

Domestiques


Qu'il avait voulu mettre ses domestiques en état de ne plus servir personne;
qu'il laissait 150 000 francs à Ali;
150 000 à Noverraz, qu'il en avait déjà 50, que cela lui ferait 200 000 francs; qu'il irait sans doute s'établir dans le pays de Vaud, qu'il serait un des habitants les plus riches;
qu'Ali ferait bien de s'établir dans le voisinage et sous la protection de Marchand, que peut-être il faudrait le placer auprès du Roi de Rome;
qu'il laissait 150 000 francs à Pierron, plus de 50 000 à Archambault;
qu'il traitait bien l'officier et les cuisiniers.
Qu'il laissait 150 000 francs à Vignali; qu'il s'était fait estimer, qu'il avait travaillé à s'instruire, qu'il avait donné des leçons aux enfants du grand-maréchal, qu'enfin il avait été prêt à tout faire;
qu'il n'y avait que ce propre docteur(Antommarchi) à qui il ne laissait rien;
qu'il avait voulu lui laisser 200 000 francs, mais qu'il ne l'avait pas fait, moins parce qu'il ne croyait pas à son habileté, que parce qu'il ne lui avait pas montré d'attachement et qu'il ne lui avait pas donné tous les soins qu'il avait droit d'en attendre; mais qu'il était encore temps d'avoir sa part à ses bienfaits, qu'il pouvait faire un codicille.

Legs.


Qu'il léguait 100 000 francs à Bignon pour faire l'histoire de la diplomatie de son règne;
qu'il léguait 100 000 francs à Marbot pour combattre les historiens militaires antinationaux; qu'il désirait qu'on lui remit ses notes sur l'ouvrage de Rogniat;
qu'il laissait 100 000 à Clausel et Lefebvre-Desnouettes, quoiqu'il le crût au dessus de cela;
qu'il n'oubliait aucun des proscrits;
qu'il léguait à Réal et aux autres;
qu'il léguait aussi à Drouot et Cambronne;
qu'il léguait 10 000 à Emery;
qu'il laissait 10 000 à Corbineau; à la veuve et aux enfants de Letort;
que ses autres aides de camp étaient Ribes, Rapp, Lemarrois, Lobau, Durosnel; que Dejean ne l'était pas;
qu'il avait légué à beaucoup de monde, qu'il laissait à tous les proscrits, qu'il croyait n'avoir oublié personne;
qu'il laissait aux veuves du maréchal Duroc et du duc d'Istrie, qu'il désirait que le duc d'Istrie se mariât avec le duchesse de Frioul, que ce n'était au reste qu'une indication subordonnée aux goûts et aux autres convenances;
qu'il laissait 10 000 francs à Larrey, en le déclarant le plus vertueux de tous les hommes;
qu'il ne léguait rien à Denon, parce qu'il le croyait riche;
qu'il avait laissé 100 000 à Arnault;
100 000 francs à Poggi;
qu'il traitait bien Lavalette;
qu'il avait enrichi sa nourrice et ses enfants;
qu'il traitait bien Las Cases, qu'il l'avait nommé trésorier de la commission, en cas de mort, son fils et à leur défaut Drouot; qu'il établirait sur tous ses legs un droit de 3 pour cent pour parer aux frais divers de bureau, voyages, etc .

Prince Eugène


Qu'il réclamait du prince Eugène deux millions sur ses propriétés du royaume d'Italie, qu'il faisait des dispositions particulières pour cette somme;
qu'il avait dans le royaume d'Italie pour un million de vaisselle, un mobilier considérable, une écurie nombreuse;
que pendant huit mois Venise avait été encombrée de tout ce qui lui appartenait;
qu'il espérait qu'Eugène ne se ferait pas tirer l'oreille;
qu'il avait laissé dans les caves de la Malmaison deux millions dont il n'avait jamais disposé formellement;
qu'au besoin il désirait qu'il prît ces deux millions sur les quarante qu'il lui avait donnés et qu'il en faisait une disposition particulière.

Impératrice


Qu'il réclamait de l'Impératrice deux millions dont il disposait; qu'il lui avait fait remettre ces deux millions à Orléans;
qu'il commençait son codicille à l'Impératrice par lui demander de faire rendre au grand-maréchal les 20 000 livres de rente qu'il lui avait donnés à Parme, les 10 000 livres qu'il avait sur le Mont Napoléon de Milan, enfin ce qu'il avait en Illyrie.

Laffitte


Que la totalité de ses legs s'élevait à la somme de 6100 000 francs; qu'elle se composait du capital primitif de 5300 000 francs et les intérêts à 5 pour cent et non à 4 pour cent;
qu'il fallait exiger les intérêts à 5 pour 100;
qu'il fallait être fort raide dans son compte;
qu'il ne lui allouait dans ses comptes que, savoir:
les 100 000 de Las Cases;
les 12 000 francs par mois;
les 20 000 francs de Lallemand;
les 3000 francs de Gillis;
les 72 000 francs de Balcombe;
peut-être les 100 000 d'O' Méara, s'il les avait payés et (je pense les 24 000 de Stokoë);
que s'il avait payé pour le jugement de Lavalette, c'était au prince Eugène à en tenir compte, qu'il était assez riche pour cela;
que l'affaire de Lafitte était la première chose à faire et qu'il n'en fallait entamer aucune autre que celle-ci ne fût terminée.
Le grand-maréchal a observé qu'il n'avait rien en Illyrie, toutes ses dotations étaient en Pologne, Hanovre et Wesphalie. L'Empereur charge le grand maréchal d'annoncer officiellement sa mort à l'Impératrice;
il présume qu'on la remariera avec un archiduc.

Domaine privé


L'Empereur a ajouté qu'il avait droit à son domaine privé, qui était le produit des économies de sa liste civile, que le grand-maréchal savait être de 12 à 15 millions par an;
que cela avait formé 200 millions, qu'il en avait disposé moitié pour sa garde et l'armée, moitié pour les villes et départements qui avaient souffert de l'invasion des étrangers;
que La Bouillerie devait être mis en cause;
que c'était lui qui était comptable;
qu'on pourrait consulter Cambacérès, s'il était à Paris, et autres personnes versées dans les lois;
que cette affaire devait être traitée la dernière; que jusqu'à ce que les autres fussent terminées, il fallait la tenir secrète.
Qu'il avait fait un testament très populaire;
qu'il laissait une grande latitude à ses exécuteurs testamentaires et une belle tâche à remplir;
qu'il paraissait que le patriarche de Venise lui avait légué sa fortune, qu'il fallait savoir ce que c'était;
qu'il y avait eu aussi du vif argent caché à Venise, qu'il fallait s'informer de ce que cela était devenu.

Sa famille


Qu'il désirait que le grand-maréchal se rendit auprès de sa mère, et le priait de lui dire: qu'elle ne pouvait mieux employer sa fortune qu'à doter ses petites-filles en les mariant dans des familles romaines;
que sa famille devait s'emparer de Rome, s'allier à toutes les familles princières, c'est à dire à celles qui avaient eu des papes;
que l'alliance avec les Hercolani et les Gabrielli était bien entendue; qu'il avait fort désapprouvé le mariage avec le Suédois;
que ses nièces pouvaient laver les pieds du Pape, mais non ceux de la reine de Suède, ni de tout autre;
qu'ils devaient s'allier aux Colonna, aux Orsini et autres familles; qu'ils pouvaient aussi se marier entre eux;
qu'ils ne devaient point se marier en France, à moins qu'il n'y eût un changement de gouvernement;
que ce qu'il disait s'appliquait à tous ses neveux et nièces, de le faire connaître à la reine Caroline et au roi joseph; que sa famille aurait probablement des papes, dans tous les cas elle exercerait une grande influence partout, même en France;
qu'enfin Rome était la Ville Éternelle;
que la Suisse n'était qu'une petite oligarchie.

Ses enfants naturels


Qu'il avait deux enfants naturels, l'un qu'il reconnaissait, le fils de Mme Walewska;
qu'il devait avoir 200 000 livres de rente, mais que, comme Mme Walewska avait un autre fils, qu'elle aura voulu avantager, et probablement quelques-uns aussi d'Ornano, il présume que son fils n'aura peut-être que 100 000 francs;
qu'il fallait veiller à ses intérêts, même contre Ornano, qu'il le lui recommandait;
qu'il faudrait lui procurer une place dans un régiment français de lanciers et veiller sur lui;
qu'il espérait qu'il ne porterait jamais les armes contre la France et qu'il devait se faire Français.
Que le second s'appelait Léon, qu'il avait pour tuteur le beau-père de Méneval;
que comme Murat lui avait amené la mère, il avait pensé d'abord que l'enfant était de Murat, mais que l'enfant ayant été présenté, il l'avait trouvé si ressemblant que la reine Hortense, à qui il le fit voir, le trouva aussi tellement ressemblant à l'Empereur qu'il l'avait reconnu pour son fils;
qu'il lui avait donné 150 000 francs sur les canaux comme à Mme Béchaud;
qu'il avait chargé le tuteur de placer successivement les intérêts sur le grand livre;
qu'il devait avoir environ 30 000 livres de rente sur le grand livre;
qu'il lui faudrait lui acheter une petite terre, dans son voisinage, si cela se trouvait en Berry, qu'il pourrait en prendre le nom;
qu'il le lui recommandait, qu'il veillât sur son sort;
qu'il le fît placer dans un régiment.

Grand-Maréchal


Qu'en donnant au grand-maréchal un million, il doublait sa fortune;
qu'il aurait ainsi 100 000 livres de rente;
qu'en y joignant une pension de 20 000, qu'on ne pouvait lui refuser comme grand officier, les 30 000 francs de rente que l'Impératrice lui ferait rendre, il aurait 150 000 francs de rente;
que la première chose qu'il eût à faire était de faire annuler son jugement. Il demanda au grand-maréchal s'il croyait qu'il fût obliger de se présenter pour purger sa contumace, si Clausel avait été réellement condamné;
qu'il devait passer d'abord quelque temps à Paris, pour terminer les affaires de son testament;
qu'il devait ensuite rester un an tranquille, dans son département, ensuite se faire nommer député, que c'était le moyen d'arriver à la chambre des pairs, si toutefois il n'y arrivait pas de suite;
qu'il ne devrait point abandonner le Berry;
qu'il fallait acheter des fermes et des propriétés à 10 lieues de Châteauroux, et une belle terre à 5 ou 6 lieues, si cela se pouvait;
qu'il ne fallait pas bâtir;
qu'il ne fallait pas vivre à Paris, y avoir seulement une petite maison, comme il en avait eu une lui-même rue de la Victoire;
qu'il fallait seulement y passer quelques mois d'hiver et n'y point représenter;
qu'il fallait faire comme les Anglais, qui vivent simplement dans la capitale et réservent leur luxe pour leur séjour dans leurs terres;
qu'il ne faisait aucun cas d'un homme qui avait 80 mille livres de rente à Paris, qu'il y en avait un grand nombre, qu'il ne s'en occupait pas;
mais qu'il avait considéré celui qui avait 60 000 francs de rente en province, que c'était un homme important, un chef de province; que s'il pouvait un jour marier sa fille à un des fils de Lucien, il le verrait avec plaisir, ou au fils de Mme Walewska, que les Walewski étaient des princes de Pologne, que le jeune Walewski n'était pas bâtard, que c'était une affaire de chronique, comme il y en a dans toute les familles;
qu'il était, il est vrai, de son sang, et que c'était aussi quelque chose; qu'il aurait 120 000 livres de rente, mais n'en eût-il que 60, c'était une belle fortune;
qu'il voulait dire seulement qu'il fallait avoir cela en vue.

Lady Holland


Qu'il laissait à lady Holland la tabatière où était le satyre, qu'elle lui avait été donnée par le Pape, lors du traité de Tolentino;
que peut-être il se trompait, mais qu'il était dans cette opinion;
que c'était la seule femme dont il parlait dans son testament, sa mère et sœurs exceptées.

Arrighi


Q'Arrighi devait avoir son domicile en Corse et y aller;
qu'il fallait le lui dire;
qu'il devait se faire nommer député pour arriver à la Chambre des pairs;
qu'il devait aller en Corse tous les trois ans.

Ajaccio


En disant au grand-maréchal qu'il devait s'établir solidement en Berry, l'Empereur a ajouté:
qu'il eût dû peut-être bâtir un palais à Ajaccio, mais qu'il n'entrait pas dans sa politique de rappeler qu'il était né en Corse;
que c'était au contraire ce que ses ennemis tachaient de mettre en avant;
que néanmoins peut-être il eût dû le faire;
s'il fût né en Berry, que certainement il eût fait bâtir un beau palais;
Que Joseph devait avoir sa correspondance avec les souverains, qu'il fallait la faire imprimer, soit en France, soit en Amérique, s'il l'avait avec lui.

Libelles.


Que n'ayant pas eu l'ouvrage de Mme de Staël, il n'avait pu y répondre, mais qu'on devait trouver dans sa correspondance quatre ou cinq lettres qu'elle lui avait écrites en Italie, qui prouvaient ses sentiments, qu'il présumait que ces lettres étaient dans ses livrets rouges, mais que les éditeurs de la correspondance les avaient supprimées par égard pour Mme de Staël;
qu'il fallait les faire imprimer;
qu'il avait démenti les pièces publiées par Louis;
que dans la position où était l'Empereur, c'était aussi indigne que maladroit à Louis de l'attaquer, qu'il en serait venger par ses enfants;
qu'il priait le grand-maréchal de lui dire que lui ne l'eût pas fait;
qu'il ne lui avait point offert le trône d'Espagne, mais qu'il croyait lui avoir offert le trône de Naples;
que c'était sans doute une couronne assez belle;
qu'il démentait également les lettres que Carnot prétend lui avoir écrites;
qu'il (Carnot) n'a jamais refusé d'être comte; qu'au contraire il l'avait beaucoup désiré et accepté avec reconnaissance;
qu'il désirait des places et de la fortune, qu'il lui avait toujours parlé avec respect et ménagement;
que la famille de Carnot le poussait pour qu'il se mît en avant;
qu'au reste il s'était bien conduit jusqu'au moment du gouvernement provisoire.

La Fayette.


Qu'il n'avait jamais offert de place de sénateur à La Fayette; que bien loin de la refuser, il la désirait beaucoup et courtisait beaucoup Joseph;
que personne ne lui a jamais refusé de places de sénateur ni autres, excepté cet original de Ducis, par motif de religion comme Arnault l'a expliqué;
que l'Empereur, lors du Consulat, a eu une ou deux entrevues avec La Fayette;
qu'il lui a donné alors une idée pitoyable de ses opinions politiques;
qu'au reste ils ne pouvaient pas s'entendre; que La Fayette avait déserté au camp prussien, au lieu que lui, Empereur, avait toujours été républicain;
qu'il avait alors peu de fortune, qu'il réclamait des propriétés à Cayenne et voulait des choses que l'Empereur ne pouvait pas accorder, parce qu'elles étaient contraires aux lois;
qu'il ne lui a point écrit la lettre prétendue lors du Consulat à vie;
qu'il voulait alors pousser son fils et qu'il ménageait beaucoup l'Empereur;
qu'il peut avoir voté comme il le prétend, mais que l'Empereur n'en a pas eu connaissance;
qu'il est vrai que Carnot avait écrit pour sa mise en liberté, mais que c'était avant le 18 fructidor;
que c'était sur la demande de l'Empereur et par sa seule influence que La Fayette avait été mis en liberté;
que sa femme était venue le trouver en Italie;
qu'il n'était rentré en France qu'après le 18 brumaire et qu'il s'occupait alors de réunir les débris de sa fortune qui était médiocre, et que ce n'était pas dans ces circonstances qu'il eût refusé la place de sénateur.

Bernadotte.


Que l'Empereur démentait également les lettres de Bernadotte, qu'il avait écrit quelques notes marginales sur les Mémoires, que ces lettres étaient faites après coup; que cela ne pouvait, parce que la Suède avait alors un consul qui négociait à Dresde et qu'on n'écrit pas de pareilles lettres quand on négocie.

Fouché


Qu'il ne parlait pas de Fouché, parce qu'il ne méritait pas de réponse.
Qu'en général, personne ne lui a jamais rien refusé, qu'il pouvait avoir tout le faubourg Saint-Germain à sa cour;
Qu'il n'était pas vrai que d'Argenson ait refusé une place de chambellan;
qu'il l'eût acceptée avec reconnaissance, mais qu'il avait mieux aimé l'employer comme préfet.(préfet des Deux-Nèthes).
Qu'il dénonçait à la postérité Marmont, Augereau, Talleyrand et La Fayette pour avoir provoqué l'insurrection des Chambres;
qu'il devait alors se mettre à la tête de l'armée.

Ses anciens domestiques


L'Empereur a ensuite beaucoup recherché dans sa mémoire et a fréquemment demandé s'il n'oubliait pas quelqu'un de ses anciens domestiques. Il s'en est occupé avec une sorte d'anxiété, désirant n'oublier personne de ceux qui l'avaient bien servi.
Il a pensé à Hébert, son ancien valet de chambre d'Egypte, depuis concierge à Rambouillet.
il a légué à Lavigne, son piqueur d'Egypte;
à un autre piqueur marseillais (Jannet-Dervieux)
à César, son cocher en Egypte ou sa veuve;
Fisto a dû laisser de la fortune;
à Paoli, capitaine de gendarmerie à l'île d'Elbe;
à Marriaggi, maréchal des logis de gendarmerie à l'île d'Elbe;
à un Corse de Bocognano qui, en 1792, lui a rendu un service important, l'a reçu dans sa maison, puis l'a escorté;
à un soldat du bataillon corse de l'île d'Elbe, de Bastelica, que désignera Costa;
au fils de la veuve Martin qui était à l'île d'Elbe;
au jeune Ventini, son officier d'ordonnance à l'île d'Elbe,
au capitaine du port de l'île d'Elbe Philidor;
au lieutenant de vaisseau de la marine impériale qui commandait le brick l'Inconstant;
au petit Corse, lieutenant du brick, qu'il avait fait élever en France;
Il lègue à la veuve du représentant Gasparin, d'Orange, 100 000 francs, à la veuve ou (aux) enfants du général Dugommier, 100 000 francs;
aux enfants de Muiron 100 000 francs. Il n'est pas sûr qu'il ait laissé des enfants; il a vu plusieurs fois son père aux Tuileries; il est probable que s'il eût laissé des enfants, il lui en eût parlé.
Il hésite, puis lègue à l'assassin de Wellington, soit qu'il soit coupable ou non, avec une note explicative de ses motifs(Cantillon)


Le 24 avril au soir, auprès du lit, dans le salon:



Turenne


L'Empereur a dit qu'il avait examiné l'état de ce que Turenne avait conservé, qu'il y avait beaucoup de choses, entre autres, une épée, un sabre, son collier de l'ordre, celui de la Toison d'or; que Turenne devait remettre tout cela à son fils.

Denon


Que Denon avait fait faire des vues des champs de bataille d'Italie, qu'il avait reçu annuellement des fonds pour cela, que grand nombre étaient gravées, qu'il fallait recueillir cela, en orner son ouvrage d'Italie, en faire un bel et magnifique ouvrage.

Correspondance avec les souverains


L'Empereur a répété qu'il fallait faire imprimer sa correspondance de seize ans avec les souverains; que c'était un monument pour l'histoire; que si Joseph l'avait, il fallait la faire imprimer en Amérique; que si elle existait aux Archives, il fallait tâcher de se la procurer; que cela serait peut-être difficile, parce qu'il y aurait peut-être aux Archives quelqu'un d'opinion fort opposée.

Impératrice


Qu'il désirait que le grand-maréchal fût trouver l'Impératrice; qu'il pensait que la manière la plus simple était de s'adresser au roi; qu'un collier de cheveux à remettre était un prétexte suffisant; qu'au reste il était tout simple qu'à ses derniers moments l'Empereur l'eût chargé de quelques paroles de confiance; que si du côté de l'Autriche l'abord était difficile, il suffirait de dire qu'il avait quelque diamant, quelque chose de précieux à lui remettre; que les Autrichiens étaient pauvres et si avides, que cela suffirait pour lui ouvrir les portes;
que probablement on la marierait à un de ses oncles ou de ses cousins.

Son Fils


Que son fils était naturellement placé en Autriche; qu'il paraissait qu'on lui avait donné 5 ou 600 000 de rente, que peut-être il faudrait placer près de lui quelqu'un comme Méneval, qui pût lui parler de son père et lui présenter les choses sous leur vrai point de vue, s'il avait été mal informé; mais que peut-être l'Autriche ne le souffrirait pas;
que s'il était forcé de quitter l'Autriche, la Suisse paraissait être le pays où il pouvait le plus convenablement se fixer, qu'il devait se faire inscrire sur le livre d'or des oligarques de Berne; que cela valait mieux que l'Amérique, que c'était toujours une grande affaire de changer d'hémisphère et de climat.

Sa Famille


Qu'il répétait que sa famille devait s'emparer de Rome, en s'alliant à toutes les familles princières de Rome, c'est à dire à toutes les familles qui avaient eu des papes, qui avaient commandé à toutes les consciences de l'univers;
qu'elle ne tarderait pas à avoir un pape, des cardinaux, des légats, que cela leur donnerait de l'influence dans toutes les cours de l'Europe;
que cela était important, intéresserait nombre de familles puissantes à conserver et perpétuer les souvenirs de sa gloire;
que c'était attacher une théocratie puissante aux intérêts de sa famille, à l'honneur de sa mémoire;
qu'il y avait partout de ces familles, non seulement à Rome, mais à Bologne, Rimini, Perugia;
qu'au fait sa famille était d'origine romaine, qu'il y avait des Bonaparte à Rome en 1000, que c'était un Bonaparte qui avait écrit, en 1500, le Sac de Rome par le connétable de Bourbon, lançant contre lui des imprécations;
que son nom serait toujours populaire en Italie; qu'il regarderait toujours comme une occasion manquée le temps où il avait voulu établir son indépendance; qu'il avait parlé à toutes les imaginations en Italie; qu'il y avait réveillé le nom et les souvenirs de la patrie; que sa mémoire leur serait toujours chère;
que le prince Lucien, les Bacciochi et les enfants de la princesse Élisa étaient naturellement placés à Rome; que le prince Joseph ou la reine de Naples pouvaient aussi y marier leurs filles; qu'il suffisait de leur donner 300 000 francs de dot;
que Madame ne pouvait mieux placer son argent; qu'il fallait lui faire comprendre cela; que c'était un moyen d'assurer la gloire et de perpétuer l'illustration de sa maison; qu'elle devait promettre 300 000 francs à chacun de ses petits-fils ou filles qui s'établiraient à Rome
qu'elle devait avoir 6 ou 7 millions; que la princesse Pauline en avait bien 2 ou 3 , en y comprenant ses diamants; que le cardinal Fesch devait en avoir autant, n'eût-il que sa galerie; qu'ils ne pouvaient mieux employer leur fortune;
que sa famille ne pouvait s'établir que dans une théocratie comme Rome ou dans une république comme la Suisse, qui avait une certaine consistance et une force suffisante pour faire respecter son indépendance, au lieu qu'à Lucques on n'avait pas réellement de protection;
qu'en se faisant oligarque de Berne ou d'un autre canton, on était indépendant, on ne devait rien à personne; que là les membres de sa famille pouvaient conserver leur dignité;
que si le prince Jérôme, parce que sa femme était protestante, ne voulait pas venir à Rome, il pouvait s'établir en Suisse; que Trieste était un pays borgne; qu'on serait flatté et content de le voir à Berne; qu'il pouvait y porter 5 ou 6 millions, qu'on ne savait pas s'il n'en apporterait pas 40; qu'en tout pays et en Suisse surtout on était bien aise de voir arriver de l'argent; que là il pouvait être indépendant; qu'il fallait se faire inscrire sur le livre d'or, mais qu'il devait faire son arrangement d'avance et ne pas manquer à cela; qu'il devait s'allier par ses enfants aux principales familles du pays; que sa fille ou celle de Joseph pouvait épouser le jeune Wateville, l'officier d'ordonnance; que Berne était préférable à tout autre canton, que c'était le principal;
qu'il ne savait pas si, ses enfants étant catholiques, cela ne serait pas un obstacle pour Berne;
que dans ce cas il pourrait s'établir dans un autre canton, Zurich ou Fribourg, que cependant il fallait tâcher que ce fût Berne avant tout;
Qu'il pouvait avoir une maison de campagne sur le lac de Genève, de Neuchâtel ou de Zurich, ou dans le pays de Vaud où on parlait français, à douze lieues de sa résidence; qu'il y avait des positions très agréables et de belles habitations toutes construites, des propriétaires ayant 60 mille livres de rente;
Que Genève même était une ville agréable où tout le monde parlait français; qu'on pouvait être Magnifique de Genève; que c'était beaucoup de ne dépendre et de n'avoir d'obligation à personne; que cette situation était la seule qui convînt à sa famille

Reine Caroline


Que si la reine Caroline ne pouvait être à Rome, à cause du voisinage de Naples et que sa sûreté y fût compromise, elle devait s'établir en Suisse et dans un autre canton que Jérôme, à Zurich;
que tout ce qu'il avait dit de Jérôme s'appliquait à la Reine Caroline, tant sur la manière d'établir ses enfants, que pour les maisons de campagne; qu'ils pouvaient ainsi s'emparer des principales familles de la Suisse.

Joseph


Que Joseph étant établi en Amérique, s'y plaisait peut-être et désirerait s'y fixer; qu'alors il préférerait naturellement y établir ses filles pour les avoir prés de lui; qu'il n'y avait guère là que les négociants; que cependant il y avait quelques familles, telles que les Washington, les Jefferson, qu'il pourrait avoir dans sa famille un président des États-Unis; que c'était une république et que cela était admissible;
que cependant il préférait Rome pour Joseph et qu'il y établît ses filles pour les raisons déjà dites;
que si cependant il ne pouvait s'établir à Rome, soit à cause des ressentiments qu'on pouvait conserver à cause de sa conduite lors de l'assassinat de Duphot, soit à cause du voisinage de Naples et des souvenirs qu'il y rappelait, il pouvait s'établir en Suisse; qu'il préférait la Suisse à l'Amérique;
qu'il y serait bien; que tout ce qu'il avait dit relativement à Jérôme et à la Reine s'appliquait à lui; alors qu'ils seraient maîtres de la Suisse et qu'ils auraient certainement un landmann;
que sa famille serait ainsi établie en deux ou trois points: trois familles à Rome, Lucien, Louis et les enfants de la princesse Élisa; trois familles en Suisse, Joseph, Jérôme, et la reine Caroline; restait Pauline et lui, Empereur, ce qui faisait les huit frères et sœurs.
Qu'il fallait que Madame comprit bien cela; qu'elle promit 300 000 francs à chacun de ses petits-enfants qui s'établiraient à Rome et en Suisse; qu'ils pouvaient ainsi, avec une vingtaine de mariages, s'emparer de Rome et de la Suisse;
que Joseph devait avoir un chiffre avec Lucien, qui pourrait lui faire connaître ses vues, ainsi qu'à Jérôme et à la reine Caroline .

Lucien


Qu'il comprendrait aisément ce qu'il avait dit de Rome; de lui dire qu'il avait désapprouvé le mariage avec le Suédois et fort approuvé l'alliance avec les Hercolani et les Gabrielli;
qu'il devait faire un de ses fils cardinal le plus tôt possible; lui dire que l'Empereur avait désapprouvé l'impression de ses poésies, qu'il avait du talent, qu'il était travailleur, qu'il ne pouvait faire un meilleur emploi de ses moyens et de son temps que d'écrire l'histoire de l'Empereur, qu'il avait vu beaucoup de choses, qu'il pouvait réunir plus de matériaux que personne, que c'était le meilleur et le plus sûr moyen pour lui d'arriver à l'immortalité.
Restait la partie militaire que sûrement il n'était pas en état de faire.

Domaine privé


Qu'il avait détaillé dans son testament ce qui regardait son domaine privé;
qu'il fallait distinguer trois époques;
que Rambouillet avait été meublé avec les meubles qu'il possédait, étant général, et qui lui appartenait alors comme ceux de la rue Chantereine et de Malmaison;
que la plupart des meubles des Tuileries et de Saint-Cloud avaient été fournis pendant son consulat, avec le traitement qu'il avait alors comme magistrat temporaire de la République;
qu'il avait autant de droit de disposer de ce qu'il avait acheté alors que tout autre fonctionnaire public;
qu'enfin venaient l'Empire et la liste civile, ce qui formait une troisième question et un troisième état de choses;
qu'il y avait parmi les diamants de la couronne pour 5 à 600 000 francs de diamants achetés avec ses propres fonds et dont le bijoutier pouvait au besoin donner l'état.


Le 25 au matin




Il a demandé plusieurs fois au grand-maréchal s'il comprenait bien cela et ce qui regardait sa famille;
qu'il écrivît cette conversation.
Le 25 au matin, l'Empereur a demandé au grand-maréchal s'il avait écrit la conversation. Alors il a dit qu'il fallait employer toutes les vues des champs de bataille faites par Denon et les champs de bataille levés par d'Albe à faire un bel atlas pour les deux ouvrages d'Egypte et d'Italie, qu'ils devaient dédier à son fils;
qu'il fallait charger Arnault de revoir le style de ses campagnes d'Italie et d'Égypte et de corriger les petites fautes de français;
que les autres ouvrages de César, Turenne et Frédéric étaient moins importants;
que d'Angleterre ils pourraient envoyer par mer Antommarchi en Italie, qu'il pourrait débarquer à Civita-Vecchia et porter la nouvelle de sa mort à sa famille et des derniers événements;
qu'ils pourraient également envoyer Coursot et le charger de leurs lettres pour Rome;
qu'ils trouveraient probablement les Bourbons bien disposés, qu'ils seraient si aises de sa mort.
Il avait dit au grand-maréchal de s'assurer si le cardinal Caselli vivait encore; il est inscrit dans l'Almanach de 1821."Ce sera un canal, dit l'Empereur, pour approcher de l'Impératrice; d'ailleurs, les Autrichiens sont pauvres et si avides, qu'en leur disant que vous avez des choses importantes à remettre à l'Impératrice, et que, quand il s'agit de l'Empereur, l'imagination n'a point de bornes, ils s'attendront peut-être à 300 millions"
Il ajoute qu'ils peuvent lire ce qui est écrit sur les testaments; sur lesquels ils ont apposé leurs cachets; que cela étant extérieur, ils peuvent en prendre communication.


Le 26 avril, à sept heures du soir, l'Empereur a passé dans son salon, appuyé d'un côté sur le bras du grand-maréchal, et s'étant couché, il a dit au grand-maréchal:



Impératrice


Qu'il désirait que l'Impératrice ne se remariât pas, mais que probablement on la marierait à quelques petits archiducs de ses cousins;
qu'elle veillât à l'éducation de son fils et à sa sûreté, et qu'elle devait se défier des Bourbons qui voudraient sûrement se défaire de lui.

Son fils.


Qu'on voudrait probablement en faire un cardinal, que la chose la plus importante pour lui était de ne jamais se faire prêtre;
Qu'ensuite, il devait toujours se glorifier d'être né Français;
qu'on ne pouvait savoir quelle serait sa destinée; que peut-être il régnerait un jour sur la France; qu'il devait donc ne rien faire qui pût éloigner de lui les Français et les indisposer; qu'il était important qu'il fût bien élevé; qu'il devait apprendre le latin, les mathématiques, la géographie et l'histoire;
qu'il fallait s'attacher à lui donner des idées justes de son père et des événements; que probablement on chercherait à fausser ses idées;
Quand il aurait seize ans, qu'il faudrait lui envoyer comme voyageurs Méneval, Fain, d'Albe qui l'entretiendraient naturellement de ce qu'ils ont vu et su;
qu'il était à désirer qu'il vît Lucien et sa famille pour qu'il pût s'y attacher; qu'il devait s'y attacher;
que, dans les circonstances, il était heureux pour lui qu'il fût né d'une mère qui le plaçait naturellement sous la protection d'un Etat puissant;
qu'il était né d'une mère d'une grande alliance;
que s'il mourait avant seize ans, le grand-maréchal pouvait garder ses armes.

Sépulture.


Qu'il désirait être enterré au cimetière du Père-Lachaise, que le grand-maréchal lui fit élever un petit monument;
Que si les Bourbons le plaçaient à Saint-Denis, à la bonne heure;
sinon qu'on l'enterrât dans une île près de Lyon.

Bourbons.


Que les Bourbons avaient actuellement pour héritier le fils du Duc de Berry et ensuite la maison d'Orléans, qui était nombreuse et bien vue de la nation.

Madame


Que Madame devait laisser à son fils (à lui) plus qu'à aucun autre de ses petits-enfants; que ces petites choses attachaient les gens; que Pauline et le cardinal devaient en faire autant;
que sa famille ne devait rien négliger pour s'attacher le fils de l'Empereur.

Patriarche de Venise


Que nous avions lu que le patriarche de Venise avait fait l'Empereur son héritier; qu'il faudrait voir ce que c'était.

Son coeur.


Qu'il fallait d'Angleterre, envoyer par mer en Italie Antommarchi vers sa famille et l'Impératrice, qu'il fallait aussi envoyer Coursot et le charger de lettres;
qu'il faudrait qu'Antommarchi embaumât son coeur et le portât à l'Impératrice; qu'elle le plaçât dans un vase d'argent.

Mémoires.


Qu'il faudrait réunir les plans de d'Albe et les vues faites par Denon pour en orner ses campagnes d'Egypte et d'Italie;
qu'il faudrait charger Arnault de revoir les petites fautes de ses mémoires;
que Lucien devait abandonner la poésie et s'occuper de faire une histoire de la Révolution et du règne de l'Empereur; qu'il était très en état de cela; qu'il pouvait aisément faire 15 à 20 volumes, mais qui ferait l'histoire militaire ?
Jomini est le seul qui jusqu'à présent ait montré du talent.
L'Empereur a demandé si Regnaud de Saint-Jean d'Angely était mort.
Le grand-maréchal a dit que le duc de Bassano devait savoir beaucoup de choses et qu'il était en état d'écrire."Oui, mais il est paresseux et puis il fera ses mémoires."
Daru a été longtemps secrétaire d'Etat, il écrit avec facilité.
Ségur est probablement celui qui écrira davantage.
Bignon est aujourd'hui intéressé à écrire l'histoire de la diplomatie. "Oui." D'Hauterive a aussi du talent, il pourrait écrire. "oui, mais il est bien créature de Talleyrand."

Correspondance


L'Empereur a ajouté que Bourrienne devait avoir beaucoup de lettres, qu'avec de l'argent on les aurait;
que Méneval et Fain devaient en avoir beaucoup; que souvent ils étaient si pressés qu'ils n'avaient pas le temps de recopier les minutes; qu'ils devaient en avoir; que d'ailleurs chacun avait son arrière-pensée.
Il a répété qu'il fallait tâcher de se procurer les volumes de sa correspondance avec les souverains et les faire imprimer;
qu'il faudrait tâcher de pénétrer dans les Archives.

Avenir.


Quelle ligne doivent suivre vos amis?
Quels principes de conduite, quel but doivent-ils avoir ?
"L'INTERET DE LA FRANCE ET LA GLOIRE DE LA PATRIE. JE N'EN VOIS PAS D'AUTRE."



Conversation:




Il a recommandé au grand-maréchal d'écrire la conversation qu'il avait eue avec lui pendant qu'il était auprès de son lit.

Gd Maréchal Bertrand.


Sources:



Texte de Bertrand


Ce papier a été publié la première fois en 1928, par Ernest d'Hauterive qui écrit:

"Le Grand-maréchal Bertrand n'avait pas cru devoir les rendre publiques (les conversations). Après la mort de son fils, le général Henri Bertrand, la veuve de ce dernier les remit, avec d'autres papiers, en 1881, au prince Napoléon, qui les classa dans ses archives de Prangins. La bienveillance du prince Louis Napoléon nous a permis d'en prendre connaissance et de les publier."

Tout le monde aura compris, qu'en 1957, Paul Fleuriot de Langle reprendra la totalité du manuscrit pour rédiger les "Cahiers de Sainte-Hélène"
Le texte retranscrit par Bbea est d'autant plus intéressant, puisqu'il se rapproche le plus du manuscrit original écrit "à main levée" par le G Bertrand à Sainte-hélène.


Manuscrit de Bertrand


Voici un extrait du manuscrit de Bertrand concernant les discussions testamentaires qu'il eut avec Napoléon. La lecture relève du décryptage... Cela prend un certain temps à s'y habituer.




Grand merci pour cette page à:


BBea, pour le formidable travail de retranscription
d'Hautpoul pour avoir fourni les documents
Albertuk pour l'image du manuscrit de Bertrand.





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