Chronologie: quelques lettres de la Campagne de France.



Lettre de Napoléon à Augereau.


Histoire du Consulat et de l'Empire – Adolphe Thiers - Tome 17 – Livre 53 – p.360


« Nogent-sur-Seine, 24 février 1814.
Le ministre de la guerre m'a mis sous les yeux la lettre que vous lui avez écrite le 16. Cette lettre m'a vivement peiné. Quoi! Six heures après avoir reçu les premières troupes venant d'Espagne, vous n'étiez pas déjà en campagne! Six heures de repos leur suffisaient. J'ai remporté le combat de Nangis avec la brigade de dragons venant d'Espagne, qui de Bayonne n'avait pas encore débridé.
Les six bataillons de Nîmes manquent, dites-vous, d'habillement et d'équipement, et sont sans instruction! Quelle pauvre raison me donnez-vous là, Augereau! J'ai détruit 80 mille ennemis avec des bataillons composés de conscrits n'ayant pas de gibernes et étant à peine habillés.
Les gardes nationales, dites-vous, sont pitoyables. J'en ai ici 4 mille venant d'Angers et de Bretagne en chapeaux ronds, sans gibernes, mais ayant de bons fusils: j'en ai tiré bon parti.
Il n'y a pas d'argent, continuez-vous. Et d'où espérez-vous tirer de l'argent? Vous ne pourrez en avoir que quand nous aurons arraché des recettes des mains de l'ennemi.
Vous manquez d'attelage: prenez-en partout. Vous n'avez pas de magasins: ceci est par trop ridicule!
Je vous ordonne de partir douze heures après réception de la présente lettre pour vous mettre en campagne. Si vous êtes toujours l'Augereau de Castiglione, gardez le commandement; si vos soixante ans pèsent sur vous, quittez-le, et remettez-le au plus ancien de vos officiers généraux. - La patrie est menacée et en danger; elle ne peut être sauvée que par l'audace et la bonne volonté, et non par de vaines temporisations. Vous devez avoir un noyau de plus de 6 mille hommes de troupes d'élite; je n'en ai pas tant, et j'ai pourtant détruit trois armées, fait 40 mille prisonniers, pris 200 pièces de canon, et sauvé trois fois la capitale. L'ennemi fuit de tous côtés sur Troyes. Soyez le premier aux balles. Il n'est plus question d'agir comme dans les derniers temps, mais il faut reprendre ses bottes et sa résolution de 93. Quand les Français verront votre panache aux avant-postes, et qu'ils vous verront le premier vous exposer aux coups de fusil, vous en ferez ce que vous voudrez. »






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