S.T.D.E.: article paru dans la presse russe en 2009.




1. Pourquoi vous intéressez-vous à la reconstitution historique?

Tout d’abord, Permettons-nous de définir le concept de reconstitution historique. La reconstitution historique est vraisemblablement la méthode qui aborde l’histoire d’une manière vivante et active en l’approchant et en l’évoquant par les faits, les époques, les uniformes, les costumes, les objets et les personnages. Bien que l’approche de la reconstitution historique fasse débat, elle accuse un engouement depuis quelques années.
Maintenant, tout dépend de la méthode !
Par la méthode, nous pourrions aborder l’histoire et tomber dans le thème des folklores ou tout bonnement dans les regroupements de personnes intéressées uniquement par le spectacle.

Pour la S.T.D.E, nous abordons l’histoire par la reconstitution et la reconstitution par l’histoire. Je m’explique, la véritable reconstitution historique est, selon nous, nourrie surtout par des recherches, lectures, analyses assidues de documents originaux, de livres, de règlements militaires, de visites de lieux et de musées. Nous abordons les faits par les écrits et preuves documentées pour ensuite les revivre.
Par l’entremise et notre passion de la reconstitution, nous transposons notre récolte d’informations et nos analyses dans le contexte réel des lieux, des conditions climatiques, des uniformes et armements,..., pour les confirmer ou carrément les infirmer. Nous nous glissons dans l’histoire, pour nous en imprégner, c’est alors que nous la « challengeons » !
Ensuite, notre passion est offerte au public intéressé !


2. Pourquoi l’époque napoléonienne ?

Personnellement, une passion ancestrale. Pour la plupart de mes amis, une passion particulière de l’histoire.
Une passion ancestrale ? Sommes-nous tombés dedans, comme dans la marmite d’Obélix, dès notre naissance ? Je vous répondrai par l’affirmatif. De génération en génération, nous cultivons l’intérêt de l’histoire et tout particulièrement celle qu’a vécu Napoléon. J’ajouterai Napoléon et toutes les personnes qui vécurent à la même époque. Une époque si courte, mais tellement brillante par ce qu’elle a pu transmettre aux générations qui suivirent, qu’il est inévitable de ne pas s’y intéresser. Maintenant, cela reste aussi qu’une passion !


3. Avez-vous visité les champs de batailles de la campagne russe (Borodino, Berezina,...). ?

Notre association est encore bien jeune ! A ce jour, nous n’avons pas encore eu l’occasion de traverser la Bérézina !
Nous profiterons certainement de notre futur calendrier pour planifier des visites outre-Niémen !
Nous nous permettons aussi de souligner que visiter uniquement les champs de bataille, selon nous, n’est pas une approche complète de l’histoire !
Que pense la population, les hommes, les femmes qui vivent aujourd’hui à côté de ces champs de la mort ? N’est-ce pas là aussi l’occasion de partager avec les autochtones les visions de l’histoire ? Nous irons donc aussi visiter et récolter des informations dans les villes et villages avoisinants.


4. Pourriez-vous raconter quelques faits intéressants sur la présence de Napoléon en Bielorussie (Belarus) ?

La crise économique de 1810-1811, le non respect de l’embargo infligé à l’Angleterre par le régime russe en place, poussèrent Napoléon à envahir le territoire russe.
Quelques faits intéressants qui en découlent ? A part peut-être ceux des champs de bataille sur lesquelles de nombreux corps vinrent se coucher. Le pillage des villes, des églises et des maisons. L’incendie de Moscou par les russes, La retraite précipitée de la Grande Armée vers son salut, La Bérézina, sont par eux-mêmes des faits intéressants à étudier et à raconter.

Mais, ce qui, surtout, est intéressant, est ce qui en découle !
L’histoire du peuple biélorusse !
Les paysans qui croyant la fin du servage se révoltèrent contre les propriétaires nobles. Les éclairés furent, quant à eux, enthousiasmés par l’arrivée des troupes françaises qui depuis 1789, véhiculent l’idéal de liberté. Hélas, tout cela sera de courte durée et étouffé par l’arrivée des troupes russes lors de la retraite française. Il ne resta plus aux paysans qu’à attendre...


5. A votre avis, pourquoi, l’uniforme porté au XIX siècle était très luxueux, mais pas utile (en rapport à notre époque) ?

Vous parlez vraisemblablement de la luxuriance des uniformes chamarrés des généraux et maréchaux de l’Empire...
Je vous répondrai d’abord par une boutade et ensuite par quelques explications sur les uniformes de la troupe.
A votre avis, pourquoi l’Empereur Napoléon se distinguait-il de son état major et de ses maréchaux par le port d’uniformes sobres et aucun parement décoratif (cf. : uniforme de colonel des chasseurs de la garde et uniforme de colonel des grenadiers de la garde) ?

De manière générale, avant d’être élégant, l’uniforme était pratique dans l’art de la guerre de l’époque. La conception et les éléments qui constituaient l’uniforme d’un soldat ont toujours eu un sens militaire d’ordre stratégique, d’attaque et de défense.
Parlons par exemple des couleurs.
Les couleurs avant tout servaient de reconnaissance entre régiments, bataillons et corps d’armée. Ensuite, D’ordre stratégique, elles permettaient en ce temps-là de distinguer et de manœuvrer sur les champs de bataille enfumés par la poudre des canons et fusils, les différentes forces et corps d’élites.
L’uniforme des troupes de la ligne, d’élites et de la garde de l’armée française était comme dans toutes les autres armées de l’époque très colorés (rouge, bleu, vert,...) et d’un intérêt militaire certain.
A l’époque, la guerre n’était pas « chirurgicale » comme aujourd’hui, mais organisée par le déplacement de corps d’armée, de régiments qui de manière structurée se déployaient sur le champ de bataille face à l’ennemi.
Le déploiement de troupe et l’exercice de tir qui en découle ont été reconstitués maintes fois à Mont Saint-Jean. Nous pouvons affirmer que les lignes de soldats se perdent dans les fumées occasionnées par les tirs ! Il est donc difficile de pouvoir s’y retrouver et reconnaître quoique ce soit sans l’avantage des couleurs.
Par exemple aussi, l’habit rouge des soldats anglais était conçu de sorte à couvrir la couleur du sang des soldats blessés. Psychologiquement très utile !

Chaque partie de l’uniforme a un intérêt. Les plumets sont un signe distinctif des grades, des corps constitués sur le champ de bataille.
Les shakos des grenadiers de la ligne, les épaulettes, les casques des dragons, la longueur des cheveux tenus en tresse des soldats, les jugulaires en laiton sont des systèmes de défense contre les coups de sabres infligés aux hommes à pieds par la cavalerie qui, à l’époque, décimait les troupes plus que les projectiles des fusils !


6. La reconstitution, l’armée qu’elle constitue, est-ce un jeu, un hobby, autre chose ?

Pour la S.T.D.E., les membres et les amis qui la constituent, ce n’est certainement pas un jeu ! Bien que nous prenions un réel plaisir à entreprendre des recherches, à lire et à vivre l’histoire. Nous pourrions donc parler de hobby !
Nous ne sommes pas du tout rémunérés (rire !) Si nous devions comptabiliser les heures passées dans les bibliothèques, les centres d’archives, les musées, les trains,... !(re-rire !!). Nous pouvons parler franchement de hobby, mais notre travail est, somme toute, entrepris de manière consciencieuse et professionnelle.


7. Que connaissez-vous sur les troupes russes à l’époque napoléonienne ?

Nous parlerons du manque de motivation durant les premières conquêtes napoléoniennes. Le manque de motivation à suivre le commandement !
Mais aussi du retrait stratégique des troupes russes des campagnes et villages incendiés, et de l’acharnement cosaque sur l’arrière des troupes lors de la retraite française, en 1812.

La motivation des Russes et des Français de l’époque était bien différente !

Les soldats des troupes françaises sortaient à peine des siècles d’esclavage. Leur motivation était emprunte de liberté, d’égalité et de fraternité. Ils étaient prêts à suivre le fils de la révolution, Napoléon Bonaparte. Ils ne se battaient plus pour un roi, un homme, mais bien pour un idéal, une nation ! Les droits de l’Homme et la Nation française.
Les hommes qui constituaient l’armée russe étaient, quant à eux – lors des premiers combats franco-russes – toujours assujettis au servage !
Le seul moyen de se libérer pour un homme était de servir le Tsar pendant une vingtaine d’année dans son armée dans laquelle, vraisemblablement, il rencontrerait la mort !
Les officiers étaient issus de la noblesse. Les hommes les écoutèrent peu et manquaient de confiance.
Les officiers français étaient, quant à eux, de plus en plus, sortis de la troupe. Des officiers issus de soldats !

Nous n’avons pas à y revenir. Les écrits suffisent à eux-mêmes ! Je citerai un auteur russe, E. Tarlé qui dans son ouvrage consacré à une biographie sur Napoléon, mentionne : « L’armée russe, en reculant systématiquement, ne laissait qu’un désert derrière elle ». Stratégie réfléchie de toute pièce ! La retraite française se verrait difficile !

Citons aussi le capitaine Coignet qui dans ses mémoires relate les charges incessantes des cosaques sur les soldats de la Grande Armée en retraite, jusque dans leur repos. Ces hommes épuisés qui suivirent l’idéal et l’ambition d’un homme !
« ...Cosaques ! Cosaques ! Je me voyais pris. Ce brave maire me fait sortir de son cabinet dans l’antichambre, tourner de suite à droite, et, me prenant par les épaules, me fait baisser la tête et me pousse dans le four ; je n’ai pas eu le temps de la réflexion. »


Luc Meaux.








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